La Zouzeau Next festival : embarquez à bord du Galaxia, une expérience unique

Article à plusieurs mains 

La Zouze est une compagnie de danse, notamment conventionnée par le Ministère de la Culture et de la Communication, basée à Marseille et dirigée par Christophe Haleb, tour à tour chorégraphe, directeur artistique, danseur et pédagogue. Née il y a 20 ans, cette compagnie a la particularité d’investir sans cesse de nouveaux lieux et de construire des créations de manière collective, y faisant intervenir le réseau culturel local. L’expression « laboratoire participatif public » la définit parfaitement. Espace, corps et interdisciplinarité en sont des maîtres mots. Depuis ses débuts au Théâtre Contemporain de la Danse à Paris, puis sa participation au festival d’Avignon, au Théâtre National de Chaillot, à la Townhouse Gallery au Caire ou encore lors de l’inauguration du MUCEM, La Zouze cherche toujours à s’ouvrir à de nouveaux spectateurs et à multiplier les regards. Sa participation à la soirée de clôture « See You NEXT Time » du Next festival, qui s’est déroulé du 15 au 30 novembre 2013, fut une nouvelle occasion de choix pour proposer son univers à un public habitué aux créations contemporaines novatrices et engagées. Elle proposait son spectacle Evelyne House Of Shame décliné pour l'occasion en Galaxia. C'est de cet événement dont nous allons développer le déroulement.

 

Evelyne House Of Shame

 

Ce festival international et transfrontalier vise à soutenir, produire et diffuser la création et les nouvelles formes artistiques dans le domaine des arts vivants au sein de l’Eurométropole Lille - Kortrijk - Tournai et Valenciennes. En collaborant ensemble, ce sont cinq structures culturelles qui s’unissent pour dynamiser cette région : la Maison de la Culture de Tournai, le Cultuurcentrum de Kortrijk, le centre d'arts de BUDA de Courtrai, La Rose des Vents à Villeneuve d'Ascq et l'Espace Pasolini, théâtre international de Valenciennes.

Crédits : Lucie Vallade

 

Le Master MEM impliqué dans le spectacle vivant ?

 

        En ce qui concerne notre stricte participation en amont, rappelons tout d’abord que d’autres étudiants préparaient également cette soirée avec nous, « muséophiles ».  Trois étudiants en Arts du spectacle de l’Université d’Artois répétaient au sein de l’atelier chorégraphique et des étudiants des Beaux-Arts de Tournai s’occupaient des projections vidéos et autres technologies iconographiques et ont, comme nous, collaboré à la mise en place d’éléments plastiques et scénographiques. Pendant ce temps, nous nous sommes astreintes, ainsi que Aurélien, étudiant en Master 2 Arts du spectacle à l’Université d’Artois, à des tâches manuelles et artistiques : peinture de socles/estrades et atelier graphique.

Crédits : Lucie Vallade

atelier avec La ZouzeEh bien oui, ces cubes blancs que vous voyez dans cette photo à droite, ce sont nos petites mimines qui les ont peints, et en rythme, pendant les répétitions chorégraphiques ! Sous-couche, couche et retouches, nous sommes prêtes pour nos montages d’expo !

En ce qui concerne l’atelier graphique, nous mettions à contribution nos imaginaires et nos références en tous genres. Notre objectif ? Concevoir et dessiner des typographies, les attribuer à des phrases puis les apposer sur des plaques en polystyrène. Dans quel but ? Comme à l’arrivée en gare ou à l’aéroport, que chaque danseur tienne une plaque afin d’accueillir le public. Nous y avons mis soin et rigueur, mais nous ignorions alors le destin des dites plaques… être détruites : l’art de l’éphémère. Ce que nous retiendrons ? L’esprit d’équipe et d’initiative, de la bonne humeur sous des ambiances festives avec un accueil chaleureux de la part de la compagnie : un régal ! Enfin, n’oublions pas l’essentiel, participer à cet évènement aura nourri et stimulé notre regard sur la place des arts du spectacle au sein des musées et des espaces d’exposition.

 

Entre les guides et la piste de danse : entre organisateurs et spectateurs

        Samedi soir, 23:00, le moment est venu pour nous d'accomplir la modeste – mais ô combien importante – tâche qui nous a été confiée : actionner les guindes de la structure qui constitue la pièce maîtresse de la soirée. C'est notamment autour de cette  impressionnante méduse de papier que la fête s'articule. Imposante et informe, ajourée à la manière d'une délicate dentelle, elle devient un support à des projections lumineuses faisant varier l'atmosphère. 

Crédits : Marine

        Sa robe, tantôt mauve ou bleutée, accompagne une musique parfois enjouée puis inquiétante. Le temps d'une soirée, nous devenons marionnettistes et jouons avec les ficelles de ce décor qui respire au rythme de la fête. Attentifs, nous travaillons en symbiose avec les collègues situés de part et d'autres de la salle afin de chorégraphier les mouvements de l'élégant OVNI. L'interaction entre également en jeu avec la musique, les danseurs, les chanteurs et les participants qui se retrouvent parfois enfermés dans le ventre de la bête qui finira en miettes. En effet, à mesure que les passagers du vaisseau imaginaire GALAXIA s'approprient les lieux, ils commencent à jouer avec la structure en allant jusqu'à la déchiqueter pour en faire des confettis ou un habit de fortune. La force de ce décor éphémère réside dans l'esthétique de la destruction. Qu'il s'agisse des pancartes que nous avions confectionnées, du décor tout entier ou des costumes des danseurs, tout finit par être dissolu dans l'atmosphère festive. A l'image de l'ambiance, le décor évolue jusqu'à laisser place à un nostalgique capharnaüm, comme dans toute fête réussie ... 

        Grâce à ce rôle « d'actionneurs de guindes » synchronisés, nous faisons désormais partie intégrante de la troupe. Une intégration qui s'est difficilement mise en place pendant la phase de préparation. Côtoyer des danseurs dont le rapport au corps est tout à fait différent du nôtre nous a renvoyées à notre propre relation au corps. Leur « décomplexion » suscite l'admiration autant qu'elle nous confronte crûment à notre pudeur « intériorisante ». Lorsque notre mission est achevée, nous pouvons désormais nous mêler à la foule, portées par la joie d'avoir participé à la mise en place des festivités. Nous pouvons alors laisser s'exprimer nos corps dans la folie galaxienne. Situés entre membres actifs de la troupe et simples spectateurs, notre statut particulier nous a  permis de nous investir dans un rôle de relais avec le public en lui montrant la marche à suivre pour le quadrille ou le jeu du Kissing-Game.

        Concentrées puis décontractées, nous avons pu expérimenter la soirée selon différents points de vue ce qui l'a rendue d'autant plus agréable à vivre. Une expérience iconoclaste qui fait du bien et que nous avons hâte de renouveler uniquement du côté du spectateur ! Notre perception en sera-t-elle changée ?

 

Evelyne,  je t'aime... moi non plus...

        Chez Evelyne, le public catapulté spect’acteur se trouve sur le plateau, ou plus exactement l’espace du spectateur et l’espace du performeur, traditionnellement distincts, forment un éden unique à vivre ensemble. Si une partie du public (averti de l’originalitéde l’œuvre dans laquelle il a choisi d’entrer) joue le jeu et profite pleinement de ce moment hors du temps pour s’exprimer et éprouver sans taboucette contrée de liberté, cette aire partagée demeure pour beaucoup difficile à investir et apprivoiser.

        Sous-estimer le cadre et le rôle habituellement dévolu au spectateur et la proposition de s’en écarter constitue, dans le meilleur des cas, une maladresse. Troquer les limites rassurantes de son fauteuil contre l’inconnu in situ demande parfois efforts et encouragements.

Crédits : Marine

   

     Au cours du spectacle, le public est notamment sollicité afin de former différents groupes en fonction de caractéristiques capillaires. Une jeune femme blonde paraît désorientée. Elle hésite à rejoindre le groupe en train de se constituer, à la périphérie de la salle, autour d’un danseur chef de file des créatures à la chevelure couleur des blés.

Quels risques prend-elle ? Quelles peuvent être les raisons de ses tergiversations ?

Quitter temporairement son groupe d’amis et être confrontée directement à des inconnus.Être exposée au regard de l’assemblée le temps de l’exposition de ce petit groupe sous les feux des projecteurs. Participer et être éventuellement entraînée, ensuite, dans les circonvolutions du spectacle qu’elle ne maîtrise pas.Cette jeune femme, rassurée sur la suite des événements, rejoint finalement quelques courageux intrépides et s’installe au pied du podium où trône la reine des êtres de son espèce. Elle contribue ainsi à la création d’un des nombreux tableaux de la pièce… Elle n’a cependant pas connu le souffle rafraîchissant du lâcher prise.

        Le spectacle suit son cours, avec ou sans elle, mais le principe est la participation du public. Il s’enrichit de celle-ci et s’épanouit à cette condition.Dans cette optique les professionnels et amateurs bénévoles référents au cœur de la structure protéiforme d’Evelyne ont tout à gagner à prendre quelques instants supplémentaires pour guider en douceur les participants. Mieux accompagnés, ces derniers bénéficieront de la dynamique d’enrichissement par l’expérience initiée par la Diva.

Deux spect'actrices livrent sans détour leurs impressions :

        Pauline, intéressée par « le concept de spectacle interactif », regrette qu'il ne soit pas « complètement exploité par la troupe qui propose surtout une déconstruction de l'organisation spatiale de la pièce de théâtre. Une grande partie de la soirée se passe à observer les différentes performances. Le public reste dans le flou quant au rôle et aux initiatives qui lui sont laissés. Le point culminant de la soirée reste le quadrille, qui rassemble le public. Mais la participation [de celui-ci], trop irrégulière par rapport aux nombreux moments de flottement, ne m'a pas permis de me prendre au jeu ». Cyrielle est arrivée à la Maison de la Culture « pleine de curiosité et d'attentes » se demandant d'emblée « comment la troupe [animera] cette soirée présentée comme totalement folle ? ». Lors du concert d'ouverture, elle est « surprise par l'immobilité du public ». « La troupe nous emmène ensuite dans les différents espaces où se déroulent des performances auxquelles le public est parfois invité à participer. Ces moments participatifs sont très amusants mais on peut regretter que les performances non participatives soient parfois trop longues et trop à distance du public qui, n'étant pas dans le même monde que la troupe, a parfois du mal à comprendre ce qui se passe autour de lui. La troupe a voulu déstructurer les codes de la fête et elle y est arrivée mais peut-être un peu trop, car le fêtard devient souvent plus spectateur qu'acteur de la fête, d'autant que les temps morts entre deux performances sont souvent longs. »

        Toutes deux auraient souhaité des moments consacrés à la danse plus développés aucours de la soirée ainsi qu'une plus forte présence de la musique, mais concluent respectivement ainsi : « certains moments étaient vraiment bien, mais trop rares pour exploiter le concept jusqu'au bout »,« j'ai passé une très bonne soirée, inhabituelle, déjantée, à l'image de La Zouze."

        Le public d'Evelyne, tout comme elle, est exigeant et cela ne peut qu'être source d'émulation pour de futures expériences plus riches et appréciées.

        Evelyne propose, en plus de cette invitation à faire « spectacle » ensemble, son corps augmenté, détourné, paré, nu. Ce corps n’est pas à bonne distance, sur le plateau, mais effleure, entoure le spect’acteur. Le regard et l’attitude, mis en question, se travaillent.

        Certains considèrent Evelyne comme une provocation, d’autres comme une créature séduisante qu’il faut suivre sans crainte, d’autres encore comme un cadre privilégié où expérimenter prudemment ses différentes limites.

Evelyne peut être tout cela et plus encore, c’est à vous de la sculpter, de la vivre, de la partager.

Osons entrer dans la danse, apprenties muséographes !       

Quel intérêt des étudiantes en muséographie peuvent-elles bien trouver à participer à l'élaboration de la soirée de clôture du festival Next ? A priori cela n'a rien d'évident, et pourtant, le travail fourni par la compagnie La Zouze n'est pas si éloigné du travail du muséographe. Le muséographe conçoit les contenus d'une exposition. Il construit un discours dont le déroulement se traduit sous la forme d'un parcours rythmé. La compagnie travaille à la construction d'un scénario dont la pertinence tient aux rythmes, à l'interaction publics-troupe et à une mise à distance avec les codes de la fête. Notre participation à l'élaboration d'un spectacle vivant intégrant diverses disciplines telles que la danse, le théâtre, les arts plastiques et la musique nous a permis d'entrer, pendant quelques jours, dans un milieu culturel que nous avons peu l'occasion de côtoyer de l'intérieur. Ce temps nous a permis d'appréhender les parallèles et les différences entre la construction et la mise en scène d'un spectacle vivant et d'une exposition. La place du corps, centrale chez les danseurs, nous a forcées à interroger nos propres rapports, plus abstraits, plus distanciés. Ces moments vécus sont nécessaires à la réaffirmation de la place éminente que doit faire le muséographe au corps du visiteur, de parler autant à ses sens qu'à son intellect pour produire un parcours d'exposition sensé. Une exposition efficace travaille donc le corps du visiteur pour lui faire prendre conscience de lui-même par rapport à un espace donné. Les dispositifs de médiation étant à la fois outils et conditions de ce rapport singulier du corps à un espace.

        Cette expérience en appelle d'autres car, rien de plus bénéfique que de croiser les regards, de multiplier les expériences pour acquérir une vision d'ensemble sur les métiers culturels. La transversalité ne serait-elle pas une manière pertinente pour expérimenter le présent ? Ces moments de travail et le rôle que nous avons joué pendant la soirée nous ont offerts un nouveau regard sur le spectacle vivant. Nous souhaitons, maintenant, pouvoir vivre ces moments "hors du temps" créés de toutes pièces et de tous corps par La Zouze du point de vue du spectateur. Nous en voulons encore, et vous invitons à Bruxelles[1], les 17, 18 et 19 janvier pour vivre une soirée unique et poétique avec Evelyne et sa troupe !

Lucie Vallade, Anne Hauguel, Marine, Ophélie Laloy

étudiantes en Master Expo-Muséographie à l'Université d'Artois

La forme participative de cet article traduit l’ambiance de la soirée et le travail de la Compagnie La Zouze. C’est en unissant nos expériences, nos idées et nos savoir-faire qu’il a pu voir le jour !

Nous remercions la Compagnie La Zouze de nous avoir accueillies et tout particulièrement Christophe Haleb et Laurent Le Bourhis ; Amièle Viaud de La Rose des Vents ; la Maison de la Culture de Tournai ; nos collègues d'Arts du Spectacle ; notre responsable de formation Serge Chaumier et tuteur de projet Isabelle Roussel-Gillet.

Légende des photos :

Photo 1. J-1, répétition sur ces socles.

Photo 2. J-1, (avec Laurent) le moment où il faut penser et réaliser les panneaux qui accueillent les spectateurs comme les voyageurs dans les aéroports.

Photo 3 . Jour J, la structure de papier respire doucement, nous tirons les ficelles.

Photo 4. Jour J, le moment où il faut rejoindre le groupe auquel on appartient, la reine des créatures blondes sur son piédestal.

Liens des reportages vidéo de Notélé :

Si on sortait… avec la compagnie de laZouze - 29/11/13

See you next Time - Spectacle declôture du festival Next à Tournai - 06/12/13

# La Zouze

#Evelyne HouseOf Shame

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#participatif-interdisciplinarité


[1] Lesvendredi 17 & samedi 18 janvier à 20h30 : EVELYNE HOUSE OF SHAME aux Halles de Schaerbeek à BRUXELLES. Du08 au 16 janvier : résidence in situ, ateliers chorégraphiques etplastiques.