Une exposition culottée au Musée dauphinois de Grenoble ? Vous ne croyez pas si bien dire ! Les dessous de l’Isère – une histoire de la lingerie féminine présente, depuis le début dumois de mars, l’histoire des dessous des Iséroises. Cette exposition raconte l’épopée de l’industrie des sous-vêtements féminins et retrace leur évolution selon les époques et les mœurs.


Vue de l'exposition
- Crédits : Musée dauphinois.

Au fil des sous-vêtements, l’histoire de la lingerie féminine

L’exposition permet la découverte de l’histoire industrielle de la lingerie féminine en Isère de son apogée jusqu’à son déclin provoqué par la mondialisation. Confectionnés à la main durant tout le XIXème siècle par lesfemmes, les sous-vêtements ont subi l’ère de la consommation de masse. Les acheteuses se procurent alors leurs dessous dans des boutiques de prêt-à-porter produits dans des usines. Les différentes pièces exposées montrent à quel point les matériaux et les textures ont rapidement changé, suivant les innovations techniques. J’ignorais qu’au cours du XXème siècle, de nombreuses industries textiles se sont implantées dans le département pour confectionner culottes et autres bas parmi lesquelles les très célèbres marques Lou, Valisère ou encore Playtex.

Lors de la fermeture de l’usine Playtex en 2010 -Collec. Particulière - Crédits : Astrid M.

L’Isère était un territoire renommé et reconnu pour le savoir-faire de sesouvrières. Les années 2000 ont sonné le glas de cette industrie frappée par une vague de fermetures d’établissements causée par une concurrence accrue desmarchés internationaux. L’exposition évoque des thématiques difficiles commeles licenciements et la colère des petites-mains qui ont vêtu la nudité. 

« La lingerie est une histoire culturelle à fleur de peau » (Chantal Thomas)

L’évolution des sous-vêtements est liée aux évolutions sociétales : voilà ce que j’ai appris de l’exposition Les Dessous de l’Isère. D’abord utilitaire et très couvrante, la toilette féminine du XIXème se transforme en accessoire de mode avec l’avènement du corset qui sculpta en forme de S le corps de la femme pendant de nombreuses années. Véritable instrument de torture, les femmes ont fini par l’abandonner au profit de dessous beaucoup moins contraignants comme la gaine, le soutien-gorge puis la culotte. L’émancipation de la femme, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, s’accompagne d’une transformation de sa lingerie qui devient alors plus libre, moins couvrante et plus en adéquation avec son corps. J’ai beaucoup apprécié le fait que de nombreux aspects sociologiques soient abordés en parallèle du discours sur la lingerie. La réappropriation du corps des femmes est par exemple évoquée en parlant de la contraception. La lingerie donne àvoir l’évolution de la place de la femme dans la société mais aussi du regard porté sur elle.

Accompagnant la vente des sous-vêtements, la publicité propose une image de la femme fantasmée. Pensons au slogan de la marque Wonderbra « Regardez moi dans les yeux… j’ai dis dans les yeux ». Séduisante, glamour ou sexy, la femme est présentée comme un objet de désir souvent façonné par le regard des hommes. Le corps de la femme est complètement érotisé. 

Les portraits culottés de C. Prigent - Crédits : Chloé Prigent, 2012.

Cette image ne correspond pas à la réalité et les travaux de l’artiste Chloé Prigent, présentés à la fin de l’exposition font écho, avec beaucoup d’humour, à l’univers absurde de la pub’. L’artiste dresse le portrait intime de femmes montrant leurs sous-vêtements. Le cadrage serré des photographies ne montre pas les visages de ces femmes, seulement leurs culottes. Les corps sont montrés sans retouches, avec les petits défauts qui en font leur beauté. 

 

J’ai regretté qu’il n’y ait pas d’outils de médiation permettant aux visiteurs de laisser son avis car, en tant que femme, cette exposition m’a fait réagir. Le dispositif « La lingerie et vous ? » propose au sein d’une reconstitution d’un boudoir bien trop « girly » à mon goût l’écoute de micros-trottoirs.

Dispositif « La lingerie et vous ? » - Crédits : Astrid M.

Le visiteur, en décrochant des téléphones, peut écouter le témoignage de personnes anonymes, d’âges et de sexe différents, répondant à diverses questions comme «la femme doit-elle porter une lingerie en fonction de son âge, de sa morphologie, de circonstances particulières, ... ? » ; « entre confort et séduction, à quelles fonctions la lingerie doit-elle répondre ? » ; «vous souvenez-vous de votre premier soutien-gorge ? » … Le dispositif « La lingerie etvous ? » (et Moi ?!) est amusant mais il me semble qu’il aurait été pertinent de pouvoir récolter la parole des visiteurs.

Les Dessous de l’Isère est une exposition un tantinet érotique et facétieuse qui aborde des thématiques plurielles et pose beaucoup de questions. A la fois historique, sociologique et anthropologique, l’exposition m’a appris beaucoup de choses sur la lingerie féminine qui est un objet d’étude plus riche qu’il n’y paraît.

Astrid Molitor

L’exposition Les Dessous de l’Isère est gratuite et ouverte à tous jusqu’au mois de septembre.

Pour en savoir plus :

http://www.musee-dauphinois.fr/2752-l-exposition.htm

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