Le 13 mai, les Audomarois(es) avaient rendez-vous à l’ancien Hôtel de Ville de Saint-Omer pour découvrir la nouvelle exposition présentée par l’Espace 36, association d’art contemporain. « Une œuvre pour vous ! » est la quatrième édition de cette biennale organisée en partenariat avec l’Inventaire, Artothèque des Hauts-de-France. Le principe ? Les visiteurs ont la possibilité d’emprunter des œuvres d’art, puis de les exposer à leur domicile ou sur leur lieu de travail.

Affiche de l’exposition ©Nicolas Lavoye

Ce vernissage célébrait les trente ans d’existence de l’Espace 36. Quatre adhérents de l’association ont ouvert leurs portes où étaient exposées des œuvres empruntées à l’Artothèque. Une balade dans la ville de Saint-Omer a conduit des visiteurs à découvrir les intérieurs de ces médiateurs d’un jour qui ont présenté leurs coups de cœur. Mais avant de débuter la visite, une petite présentation de l’Espace 36 s’impose.

Depuis 2001, ce centre d’art associatif basé à Saint-Omer a mis en œuvre un projet de création unique dont la base est le soutien envers la création et la sensibilisation à l’art contemporain. Les actions majeures développées par l’association sont la conception d’expositions et le soutien à la diffusion de l’art contemporain, ainsi que l’élaboration d’outils de médiation et l’organisation de visites.

Espace36 – Exposition de Marie Hendricks © Benoît Warzée

L’association assume un rôle d’intermédiaire entre lesartistes et les publics grâce à une collaboration et une concertation auprès de différents acteurs territoriaux. L’Espace 36 met un point d’honneur à sensibiliser les publics qu’il reçoit dans le cadre de ces expositions. Le but étant de leur apporter des outils de compréhension pour les aider à développer leur réflexion personnelle. Une démarche axée sur la médiation participative, qui consiste à permettre à tout type de visiteur de s’ouvrir à ses propres ressentis et sentiments.

A travers ces différents projets, l’association espère que les participants s’ouvrent à la culture et soient en mesure d’élargir leur raisonnement. La base des relations entre les artistes plasticiens et les publics repose essentiellement sur l’échange ainsi que l’écoute, et s’efforce de rendre les visiteurs acteurs de leur propre culture.

Atelier-Visite avec le Musée de l’Hôtel Sandelin © Benoît Warzée

Venons-en à l’Inventaire. Basée à Hellemmes dans la métropole lilloise, L’Inventaire, Artothèque des Hauts-de-France a été fondée en 2009. Cette association propose aux habitants de la région un service itinérant et solidaire de prêts d’œuvres d’art sur le même principe qu’une bibliothèque. Autrement dit : chacun peut emprunter une à plusieurs œuvres originales par mois, qu’il expose ensuite chez lui. Au-delà d’encourager la présence de l’art au sein de lieux privés et professionnels, cette démarche aide à favoriser l’appropriation de la création contemporaine auprès des adhérents.

L’Inventaire Artothèque ©Clotilde Lacroix

Emprunter à l'Arthothèque

 

4 8Riche et diverse, la collection de l’Artothèque s’élève à 1200 œuvres, regroupant estampes, peintures, photographies et sérigraphies réalisées par de jeunes créateurs, ou des artistes reconnus sur la scène régionale et nationale, voire internationale. Cette collection s’enrichit au fil des ans par de nouvelles acquisitions, dans le but de valoriser la multiplicité des techniques artistiques actuelles.

Plus de 10 000 prêts ont été enregistrés depuis sa fondation, avec des œuvres qui circulent dans le cadre de projets mis en œuvre avec différents acteurs socio-culturels. D’une part, des expositions organisées dans des galeries d’art, et d’autre part des interventions effectuées au sein d’établissements scolaires. A travers ces actions, ces œuvres voyagent sur le territoire pour aller à la rencontre des publics les plus larges, et souvent peu adeptes de l’art contemporain.

En complément des institutions muséales et autres centres régionaux de diffusion, l’Inventaire soulève la question de la place de l’œuvre d’art dans la sphère privée, au-delà de la simple notion d’acquisition ou de consommation. Ainsi, les publics touchés nouent une relation approfondie à l’œuvre et posent désormais un regard nouveau sur la création contemporaine. En se basant sur des valeurs liées à l’économie sociale et solidaire, cette démarche de transmission amène une réflexion sur la fonctionnalité, et sur la manière de repenser l’économie dans un principe de développement durable. 

© Clotilde Lacroix

Retour sur cette balade-vernissage, vécue comme une expérience originale. Le contact privilégié avec des œuvres d’art figure parmi les objectifs de l’Inventaire, qu’il nomme joliment : « intrusions artistiques ». Avec cette volonté de raviver une mécanique du désir, d’amener des particuliers à entretenir une relation décomplexée avec l’art, et plus spécifiquement, de se familiariser à l’art contemporain. « Ça permet de vivre plusieurs semaines avec une œuvre, de la voir différemment, ailleurs que dans un lieu de passage. » indique Ségolène Gabriel, médiatrice culturelle de l’Espace 36¹. Donc, quoi de mieux que de donner l’occasion à des membres de l’association d’exposer des œuvres à leur domicile et d’en ouvrir les portes à des visiteurs lambdas ?

Visiteurs du Vernissage-Balade ©Joanna Labussière

La force de cette opération participative réside dans le rôle joué par les adhérents qui se sont glissés dans la peau de médiateurs le temps d’une après-midi. Un parcours informel en somme, dans une ambiance détendue, et qui a permis à la plupart de découvrir le patrimoine architectural au domarois. Cette démarche rejoint les fondements de l’Espace 36 en termes de médiation, où l’accueil du public ne se résume pas à expliquer les œuvres aux visiteurs, mais à apporter à ces derniers des clefs de réflexion propre à leurs émotions.

C’est ainsi que Thérèse, sculptrice autodidacte, nous a reçu en premier. Son choix s’est porté sur deux sérigraphies réalisées en 1960 par Salvador Dalí et inspirées du poème « La Divine Comédie » de Dante. D’après elle, ces sérigraphies donnent à voir un autre aspect du travail de Dalí, à l’opposé de ses œuvres surréalistes qui ont fait sa renommée en tant que peintre parmi les plus influents de son siècle.

La Divine Comédie de Dante #1 et #2 ©Inventaire l’Artothèque

S’ensuivit la découverte d’un second appartement où nous ont accueillis Virgile et Aurélien, membres du Conseil d’Administration des Amis des Musées de Saint-Omer. La visite débuta avec Virgile qui nous présenta sa sélection : une héliogravure de René Magritte datant de 1973. Intitulée « La Folie d’Almayer »,cette œuvre s’inspire du premier roman du même nom de Joseph Conrad, dont le héros, Almayer, un jeune hollandais au destin tragique qui rêvait de partir à la découverte d’un trésor caché par des pirates. Ancien étudiant en gestion et valorisation du patrimoine, Virgile a choisi cette gravure qu’il considère comme étant la métaphore de notre héritage culturel qui constitue le fondement de nos racines.

« La Folie Almayer » de René Magritte © Inventaire l’Artothèque

Aurélien lui, a sélectionné deux peintures de l’artiste Sylvain Dubrunfaut issues de sa série « Ados 3 » exécutée en 2012. La première représente un adolescent placé de profil, le visage encapuchonné, et aux traits graves. Aurélien a placé cette toile sur une étagère de sa bibliothèque, près de ses romans de vampires qu’il affectionne particulièrement. Selon lui, l’air assombri du jeune garçon s’accordait avec un sujet angoissant tel que celui des vampires. En parallèle, la seconde peinture a été installée à proximité de photos de familles. Notre hôte estimait que cette œuvre, aux couleurs chaudes et marquées par le sourire de l’adolescent avait davantage sa place auprès des photos de ses proches, synonymes de convivialité.

Sanstitre, série Ados 3 de Sylvain Dubrunfaut © Inventaire l’Artothèque

Pour conclure, les visiteurs ont achevé leur balade en se rendant à la maison de Florence, écrivaine audomaroise. Au total, ce sont deux sérigraphies œuvres qu’elle a empruntées auprès de l’Inventaire. L’une réalisée par Honoré, porte le titre « H2O ». Si Florence a décidé de l’exposer à son domicile, c’est parce qu’elle traite d’une thématique, à savoir le réchauffement climatique, qui lui tient particulièrement à cœur. Un sujetd’actualité qui la concerne personnellement, en lien avec ses problèmes de santé.

CO2 de Honoré © Inventaire l’Artothèque

Dans un tout autre style, la seconde sérigraphie sélectionnée par Florence est signée Gérard Duchêne. Datée de 1990, elle s’intitule : « Papier Peint ». Connu pour son emploi des médias imprimés, le style de Duchêne est particulièrement reconnaissable à son travail de la peinture sur papier qui donne naissance à une écriture illisible, mettant ainsi en exergue la matérialité de l’écrit. Accrochée aux murs de sa salle à manger, cette œuvre renvoie aux créations de Florence qu’elle réalise sur des tapisseries.

Papier peintde Gérard Duchêne, © Inventaire l’Artothèque

Comme expliqué précédemment : quel est l’intérêt pour l’Espace 36 et l’Inventaire de permettre à leurs adhérents de participer à une opération telle que celle-ci ? La particularité de cette manifestation réside bien au-delà du projet d’exposition en lui-même, et du principe de posséder une œuvre originale pour un temps déterminé. Le but premier ne consistait pas à expliquer ces œuvres via le prisme de l’histoire de l’art, ni à imposer un code de lecture définitif. 

Au contraire, l’ambition première de ces deux associations est d’une part de faire découvrir des œuvres à travers le regard d’autrui, selon ses émotions, son ressenti et son propre vécu. D’autre part, leur volonté consiste à permettre à ces emprunteurs d’expérimenter une relation davantage intime avec l’art, qu’ils soient connaisseurs ou néophytes. Une approche totalement différente qui a également permis de connaître ces personnes sous un angle différent, le tout dans un moment d’échange, d’écoute et de partage.

Vernissage-Balade©Clotilde Lacroix

L’exposition « Une œuvre pour vous ! » est visible jusqu’au 8 juillet 2017 à l’Espace 36, association d’art contemporain de Saint-Omer. Les modalités d’emprunt sont les suivantes : 5€ d’adhésion à l’Inventaire | Petit format : 10€ par œuvre et par mois, et15€  les deux œuvres parmois | Grand format : 20€ par œuvre et par mois. Penser à se munir d’une pièce d’identité et d’une attestation d’assurance habitation.

Joanna Labussière

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Pouren savoir plus sur l’Espace 36 : http://espace36.free.fr/

Plus d’informations sur l’Inventaire, Artothèque des Hauts-de-France : http://linventaire-artotheque.fr/____________________________¹ La Voixdu Nord, A l’Espace 36, empruntez une œuvre d’art pour chez vous, publié le 12 mai 2017, [en ligne] : http://www.lavoixdunord.fr/161574/article/2017-05-12/l-espace-36-empruntez-une-oeuvre-d-art-pour-chez-vous