L’exposition pensée par le muséographe commence quand on passe la porte. Mais la rencontre entre l’exposition et le visiteur commence bien plus tôt : dès qu’il l’imagine à partir de la communication, qu’il découvre certains contenus par des lectures ou des jeux, qu’il achète des objets sélectionnés ou créés pour l’exposition etc. Tout ce qui est autour de l’exposition constitue ce qu’on pourrait appeler une aura. Nous proposons d’en étudier une précisément.

Premier regard

Notre exemple est l’exposition « Rubens, portraits princiers » qui se tient au Musée du Luxembourg (en partenariat avec la réunion des monuments nationaux) du 4 octobre 2017 au 14 janvier 2018. De cet énoncé se dégage déjà de nombreux indices : le visiteur sait qu’il a affaire à une exposition d’art abordée sous 3 angles croisés : le peintre célèbre, un type de réalisation et une catégorie de sujets. Le lieu, central, royal, politique, ne dessert pas l’aura fastueuse de Rubens et de ses sujets princiers.

Affiches de l’exposition © Musée du Luxembourg

 

Les affiches complètent cette première impression : les tableaux choisis, un homme et une femme, font honneur aux détails vestimentaires des costumes d’apparat et à des visages altiers. Face au luxe des peintures, le graphisme se fait simple mais très explicite. Le titre « RUBENS » est immense et du même blanc que les dentelles de ses tableaux, souligné par un sous-titre « PORTRAITS PRINCIERS » en jaune d’or.

Il s’agirait presque d’inverser les rôles : Rubens avait signé en tout petit ses tableaux de personnages célèbres que chacun connaissait et révérait. Aujourd’hui, c’est la célébrité du peintre qui fait qu’on présente ces tableaux et sera prétexte à revenir sur l’identité de ces têtes couronnées.

 

Le communiqué officiel, synopsis ou dithyrambe ?

Le texte officiel de présentation de l’exposition est le suivant :

« Rubens fut, sans doute un peu malgré lui, un immense portraitiste de cour. S’il se voulait d’abord peintre de grands sujets historiques, il excella dans le domaine du portrait d’apparat, visitant les plus brillantes cours d’Europe. Prisé pour son érudition et sa conversation, il joua aussi un rôle diplomatique important, jouissant d’une position sociale sans égale chez les artistes de son temps. Autour des portraits de Philippe IV, Louis XIII ou encore Marie de Médicis réalisés par Rubens et par quelques célèbres contemporains (Pourbus, Champaigne, Velázquez, Van Dyck…), l’exposition plonge le visiteur dans une ambiance palatiale au cœur des intrigues diplomatiques du XVIIe siècle. »

Au premier abord, ce texte fait miroiter la réussite de Rubens sous tous ses angles : « immense portraitiste », « excella », « les plus brillantes cours d’Europe », « position sociale sans égale », « Philippe IV, Louis XIII ou encore Marie de Médicis » ou « célèbres contemporains (Pourbus, Champaigne, Velázquez, Van Dyck) ». Ce choix pourrait nous inquiéter, impliquer que cette exposition ne serait fondée que sur la célébrité sans nuance et sans explication des peintres ou des sujets.

Mais, en seconde lecture, un portrait est esquissé, celui de Rubens lui-même. L’exposition semble s’appuyer sur les différentes facettes du personnage : ses qualités humaines, ses motivations professionnelles, ses compétences de peintre et sa position sociale.

La dernière phrase, enfin, lie tous ces grands noms par la promesse de plonger « au cœur des intrigues diplomatiques du XVIIe siècle ». Rubens devient alors le héros de notre nouvelle série historique préférée (enfin plutôt de notre future exposition préférée), chaque célébrité devient un personnage et le faste des palais devient le décor. La promesse d’entendre des histoires séduira peut-être les visiteurs encore indécis.

 

Les contenus complémentaires, des amuse-bouche ?

Avant ou après l’exposition, on trouve en ligne des aides à la visite (une vidéo promotionnelle, le guide de la visite, des applications mobiles à télécharger et le dossier pédagogique), et des contenus complémentaires (des articles, des liens vers d’autres productions et des jeux). Puisque ces derniers sont davantage autosuffisants c’est eux que nous étudierons pour avancer encore dans notre autopsie de l’aura de l’exposition Rubens.

Page d’accueil du jeu © Musée du Luxembourg

 

Le jeu et l’article permettent de rentrer dans le contenu de l’exposition par des biais aussi différents que l’action (le jeu) ou la réflexion (l’article). Elles ont des publics cibles probablement différents (le jeune public, les intellectuels) mais j’avoue avoir aimé autant l’un que l’autre. Elles construisent le suspense sans en révéler trop sur l’exposition.

Ces deux créations démontrent que cette exposition suit un cheminement, développe un contenu riche et ne se contente pas d’afficher des grands noms et des couronnes dans un Palais. Le jeu éduque notre regard aux détails de l’œuvre de Rubens, aux couleurs, à la symétrie, à la subtilité. Il nous implique aussi dans le geste de composition d’un tableau. Mais on n’a vu qu’un seul tableau !

L’article, quant à lui, est bref mais situe bien les enjeux des portraits au XVIIe siècle et, par l’intermédiaire d’une vidéo, introduit une comparaison avec les portraits officiels présidentiels et leurs symboles. Cette pensée ouverte donne des clés de compréhension tout en stimulant l’attention du visiteur et son esprit critique. Cela donne envie de voir si les textes de l’exposition sont de la même veine !

 

La boutique et les produits dérivés

La boutique, en ligne et sur place, étoffe encore cette aura par un étal varié et séduisant. Parmi les classiques, guide de l’exposition, presse, livres d’art ou de réflexion sur la thématique et parmi les produits sur mesure, un livre écrit pour l’occasion Rien que Rubens de Philippe Forest (éditeur : Réunion des Musées Nationaux), ainsi qu’un espace d’impression à la demande (sur toile ou papier) des œuvres de l’exposition. Une manière de rapporter plus qu’une carte postale pour afficher dans son salon. L’impression se fait sur place, remise en main propre ou à domicile pour des prix variés. Par ailleurs, la boutique du musée du Luxembourg est placée sous le regard d’un prince et d’une princesse, les mêmes que sur les affiches. En très grand format, ils surplombent la salle où différents objets vendus font écho au luxe de leur parure comme des bijoux imitant la dentelle ou bien des mouchoirs en véritable dentelle.

Pratique plus originale, la boutique étend ses « goodies » habituels (mugs, crayons, marque page, magnet …) à des couteaux (coupe papier), des bières et des spéculoos ! Les trois produits mettent en avant leur origine et on comprend que la géographie européenne (Belgique et Italie tout du moins) aura une importance toute particulière dans l’exposition.

L’aura de cette exposition est riche, dans tous les sens du terme. 

Visitez l’exposition ! 

Et voyez si elle tient ses promesses ?

Eglantine Lelong

#rubens

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Pour en savoir plus :

Vous pouvez trouver le jeu ici : http://jeunepublic.grandpalais.fr/puzzle-rubens/moyenEt l’article « Qu’est-ce qu’un portrait » ici : http://www.grandpalais.fr/fr/article/quest-ce-quun-portrait