Pour lancer les commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale, la Bibliothèque historique de la Ville de Paris propose au public une exposition originale dans le regard qu'elle porte sur le conflit. Tout le monde a entendu parler des tranchées, tout le monde connaît Verdun, mais qui sait ce qui se déroule dans les rues de Paris pendant la guerre ?

Charles Lansiaux, « Place du Châtelet.
Groupe desoldats revenant du front. », 6 octobre 1914
© BHVP/Roger-Viollet

« Paris 14-18, la guerre au quotidien, Photographies de Charles Lansiaux »

Exposition temporaire de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, Galerie des bibliothèques,

15 janvier-15 juin 2014

Un fonds photographique révélé

L'aventure de l'exposition démarre avec le fonds photographique d'un photographe autodidacte, Charles Lansiaux (1855-1939), que la Bibliothèque historique de la Ville de Paris possède dans ses collections. Ce fonds commence à se constituer le 21 septembre 1914, alors que la guerre a débuté depuis moins de deux mois. À cette date, le photographe facture à la Bibliothèque la première partie d'un reportage qu'il intitule « Aspects de Paris pendant la guerre de 1914 ».

Près de 400 clichés rejoignent alors les collections de la Bibliothèque et ce fonds s'enrichit tout au long du conflit, jusqu'en 1918, bien que le rythme et le nombre des achats de la Bibliothèque diminue dès le mois d'octobre, la guerre que l'on pensait courte s'installant dans le quotidien. À la fin de la Grande Guerre, ce sont plus d'un millier de photographies qui composent le fonds retraçant les étapes de l'installation du conflit dans la capitale.

C'est un fonds d'une richesse exceptionnelle, une richesse due au nombre de photographies qu'il contient mais aussi et surtout à l'instantanéité et à l'originalité du travail du photographe. Instantanéité parce que Charles Lansiaux photographie les rues de Paris et les Parisiens pendant que le conflit se déroule, originalité parce qu'il n'adopte pas le regard neutre du reporter. Ces deux aspects font de cette collection « une véritable histoire visuelle du temps présent »[1], car oui ! c'est bien un reportage que nous livre ce photographe, un reportage composé de photographies au format standardisé montées sur des cartons eux-mêmes standardisés datés et légendés de sa main. Reste à faire de ce reportage une exposition...

 

Comment construire une exposition à partir de ce fonds ?

Vue de l'exposition Crédits : Cécile Lapouge

 

Plus d'un millier de photographies : chaque photographie transmet un message mais il faut effectuer une sélection qui réponde à l'objectif de l'exposition. La première chose à faire est de déterminer cet objectif sachant que l'exposition ne pourra présenter que 200 photographies environ : l'exposition souhaite témoigner de la vie à Paris pendant la Première Guerre mondiale à travers l'objectif du photographe qui arpente les rues de la capitale.

C'est une histoire originale car l'on met le plus souvent en avant la guerre au front et non à l'arrière, et qui plus est à Paris. Cet aspect de la guerre est méconnu du public d'où l'importance du choix des photographies qui seront présentées. Les techniques photographiques étant encore en développement lorsque Charles Lansiaux fait son reportage, certaines photographies sont écartées naturellement par leur qualité insatisfaisante pour être agrandies.

Le choix est plus délicat lorsque certaines photographies sont similaires par leur sujet car chaque photographie est singulière de par sa luminosité, sa composition ou l'émotion qui s'en dégage. La sélection est d'autant plus délicate du fait de ce déséquilibre entre le nombre de photographies prises pendant les premiers mois de l'année 1914 et celles prises en 1918 : ce déséquilibre est réel et expliqué mais il ne doit pas trop se ressentir dans l'exposition qui couvre toute la durée du conflit. Ces paramètres pris en compte, le choix s'effectue naturellement pour présenter au public un ensemble cohérent qui témoigne d'un événement majeur de l'Histoire. Regardons le résultat dans l'exposition.

 

Les photographies mises en scène

Vue de l'exposition Crédits : Cyrielle Danse

 

Tout ce travail de sélection aboutit à la mise en exposition des photographies. Comment sont-elles finalement mises en valeur dans l'espace ? La sélection laisse ressortir des thèmes qui sont repris pour construire le discours de l'exposition. Les photographies sont donc rattachées chacune à un thème et sous-thèmes suivants : « La guerre vue de la rue » – « Appels », « Exodes », « Défenses », « Acclimatations » –, « Le partage de l'information » – « Nouvelles », « Médias » –, et « Signes de guerre » –« Secours », « Dommages », « Victoire ? ».

L'exposition s'étant construite à partir du fonds photographique de Charles Lansiaux, le choix est fait de réellement mettre en valeur les photographies. Elles sont presque toutes présentées dans le même format et encadrées discrètement de telle sorte que seule la photographie ressorte. Un panneau de présentation présente chaque section, puis les seules inscriptions sont celles portées sur les cartels des photographies qui ne reprennent que le titre et la légende que le photographe a lui-même écrit sur les cartons de chaque photographie.

Seules quelques affiches contemporaines des événements sont exposées avec les photographies mais de façon mesurée, ce choix se justifiant par le fait que Charles Lansiaux ait photographié des murs d'affiches pendant le conflit. Cette mise en espace permet au visiteur de porter son attention sur les photographies et les nombreux détails qui y sont cachés, détails que l'on ne remarquerait peut-être pas si le choix scénographique était différent. Le visiteur est ainsi invité à se plonger dans les rues et l'atmosphère de Paris pendant la guerre pour mieux apprécier la force du témoignage du photographe. Cent ans après sa réalisation, ce reportage offre un autre regard sur le conflit, à découvrir.

 

C. D.

Pour en savoir plus :

Gunthert André, Paris 14-18, la guerre au quotidien, Photographies de Charles Lansiaux,

Paris bibliothèques, 2013

Pignot Manon, Paris dans la Grande Guerre,Parigramme, 2014

Site internet : Paris en images

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[1]AndréGunthert (commissaire de l'exposition), Paris 14-18, la guerre au quotidien, Photographies de Charles Lansiaux, Paris bibliothèques, 2013, p. 11.