A l’instar des études comparatives des instituts de consommation, au banc d’essai aujourd’hui : la Nintendo 3DS ! Dans le cadre d’une exposition itinérante dont on soupçonne un  profil quelque peu promotionnel, la console portable s’avère rejoindre les dispositifs d’exposition. Dans la catégorie Innovations Technologiques : quand un produit de consommation devient un moyen d’exposition…

 

©Arrêt sur l’Image Galerie-Canal Com

 La firme japonaise de jeux vidéo a proposé à la célèbre agence de photographes Magnum de soumettre à trois non moins célèbres de ses membres l’expérimentation inédite de la console portable pour la capture de photos 3D. Après avoir été présentés à Paris et à Bordeaux, Lille accueille ces jours-ci les « clichés » de Martin Parr, Gueorgui Pinkhassov et Thomas Dworak.

La particularité de la console, véritable gadget d’innovation technologique, repose sur ses deux écrans dont un est tactile. Quant à l’effet 3D, il est obtenu grâce à l’intégration de trois appareils photo numériques : un, à l’intérieur et deux autres à l’extérieur. Hélas, solidement rivées à des socles-pupitres blancs et protégées par un plexiglas, les neuf consoles sont des objets faussement manipulables.

L’originalité muséographique de ce petit appareil est qu’il joue sur les deux plans : à la fois outil de création, il se métamorphose en outil de monstration, la diffusion des photos obtenues étant impossible sur tout autre support !

Nintendo précise, par ailleurs, que l’effet 3D est ajustable grâce à un petit curseur, permettant d’augmenter ou de diminuer l’effet « afin de trouver un niveau 3D qui convienne parfaitement à vos yeux ». C’est là que le bât blesse. Tout d’abord, ne pouvant accéder à la manipulation du dispositif d’exposition, le défilement des photos est arbitrairement programmé. Or, chaque photo requiert une distance et un temps d’adaptation à l’angle de vue.

De ce fait, on peut passer à côté de l’effet escompté au profit d’une vision floue voire d’un mal de crâne, l’exclusivité de la technologie sans lunettes reposant sur la seule capacité du cerveau à séparer puis reconstituer les images. On observe donc également que tout sujet n’est pas bon à photographier, la 3D n’a aucun intérêt pour certaines photos (le portrait, par exemple), à l’image de ces films 3D qui, effet de mode, n’étaient pas destinés à en être, mais qui sous la pression des producteurs furent retravaillés. Sur ce point, Martin Parr se démarque nettement car il semble s’être parfaitement approprier la technologie, ou alors sa rhétorique photographique et son style conviennent à la 3D…

Une fois que l’effet fonctionne, il devient plaisant d’observer toutes ces photos. Contrairement à la vision au travers de lunettes, la réalité obtenue n’est pas intrusive : l’image ne sort pas de son écran. Plus subtile, elle joue sur la profondeur (jusqu’à trois strates différentes). Pour les personnes qui ont des problèmes de vision, la petitesse de l’écran étant un handicap, il vaudra mieux pour elles se rabattre sur les traditionnels dioramas…

« Déclenchant » à cette occasion une nostalgie des view-master, ces visionneuses 3D stéréoscopes qui fonctionnaient avec des disquettes, on regrette également que la console ne soit en accès libre, non pas pour tester la fonction prise de vue mais bien pour prendre le temps de s’approprier chaque image exposée. Est-ce une volonté marketing ? Cet inconfort d’utilisation aura néanmoins engendré la défaillance de deux consoles lors de notre visite : la frustration de certains visiteurs-consommateurs a entraîné ces derniers à forcer le plexiglas pour essayer de contrôler le jouet ! La personne chargée d’accueillir et de faire la médiation s’est transformée, quant à elle, en  intervenante-technicienne pour désamorcer les blocages!

Il s’agit, ici, seulement d’un avant-goût du potentiel muséographique du jouet. En l’occurrence, la console, objet attractif et ludique, n’a peut-être pas sa place en tant que socle mais elle possède la capacité de s’adapter à la médiation. Si le succès est au rendez-vous, il y a fort à parier que ce joujou entre directement en concurrence avec Apple au sein des musées : il est, en effet, prévu en Mars 2012 que le Louvre remplace ses audio guides avec ces consoles Nintendo 3DS. Affaire à suivre…

 

Aurélie Leclercq