Ayant profité des congés de Noël pour retourner dans ma terre natale normande, je suis allée visiter la fameuse « Chambre des visiteurs » au Museum d’Histoire naturelle de Rouen. Il fallait quand même voir le résultat, tant mon premier article à ce sujet m’avait posé de questions.

Petit résumé de l’initiative


Durant quelques mois, les visiteurs du musée des Beaux-Arts de Rouen, mais aussi ceux des sept autres musées de Rouen et les internautes pouvaient voter une fois par jour et par personne pour leurs cinq œuvres préférées parmi un large panel d’objets antiques, de peintures, de sculptures, d’animaux naturalisés, etc. Ces votes visaient à sortir vingt objets des réserves pour les donner à voir au public du 7 décembre 2018 au 19 mai 2019.

 

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Visuel du site ©  http://www.lachambredesvisiteurs.com/

 

Cet évènement, qui a lieu pour la troisième fois cette année à Rouen mais qui reste encore rare dans les musées français, proposait par la suite, lorsque les votes seraient clos, de participer à l’écriture des cartels et à l’accrochage. De belles promesses, dans le monde très clos des musées.
Dans mon précédent article que vous pouvez lire ici, je me posais la question de la muséographie : comment réunir ces œuvres si différentes sous un propos cohérent ? Et comment continuer à faire participer les gens une fois l’accrochage terminé ? Je suis partisane du tout… ou tout. Quand on me dit participatif, mes yeux brillent. Alors évidemment, j’ai voulu voir ce qu’il en était, sur place.

Un manque de communication

Première constatation : rien à l’extérieur du Museum n’indique qu’à l’intérieur on puisse trouver une exposition d’œuvres choisies par les visiteurs. Aucun texte à l’accueil ne parle de l’initiative dont résulte l’exposition, pas de signalétique non plus. J’ai donc  demandé où était la salle dans laquelle je pourrais trouver ce petit bijou participatif. « Au premier étage du Museum, en haut des escaliers à droite. » Ni une, ni deux, je gravis les quelques marches qui me séparent de la fameuse exposition, j’arrive au premier. Au second, j’entends un « brouhaha » phénoménal, mais ici, personne. Je franchis la porte de la « chambre » que je cherche, et tombe  sur le texte de présentation de l’exposition.

 

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Photo du texte de présentation de l'exposition © Chloé Méron

 

Une exposition classique

Le thème principal, est  : « Les Curiosités ». Facile et pas très original. Mais étant donné la variété d’objets proposés, l’élaboration d’un discours plus poussé aurait demandé plus de travail, et dans le petit intervalle entre la fin des votes et le début de l’exposition, c’était « mission impossible ». Il s’agit aussi, d’après ce que je comprends, de créer du lien entre les collections des différents musées de Rouen et notamment, de parler du nouveau musée Beauvoisine qui ouvrira ses portes en 2025. Dans ce nouveau musée, les collections d’antiquités et d’histoire naturelle seront présentées ensemble dans les salles afin de créer une discussion entre elles. De nouveau un beau projet. Mais revenons à notre exposition.

 

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Vue d'ensemble © Chloé Méron

 

J’arrive donc dans cet écrin molletonné aux couleurs douces, qui ressemble assez bien à une grande chambre. On s’y sent bien. Cependant, après un rapide coup d’œil à l’ensemble, je ne vois qu’un accrochage classique. On aurait pu attendre un peu de folie puisque le public pouvait y participer. Peut-être les personnes n’ont-ils pas osé proposer quelque chose de novateur ?  Peut-être l’exercice est-il encore trop intimidant ? Sans doute que le public reste attaché à ce qu’il voit depuis toujours dans les musées Beaux-Arts. Il aurait donc fallu un brin de folie de la part du musée. Cette exposition aurait pu justement s’y prêter !

 

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Bibliothèque  © Chloé Méron

 

Un premier panneau présente le classement des œuvres sélectionnées, il y a de tout : peintures, ostéologie, ethnographie, ornithologie, fossile, céramique, etc. Je me dirige vers la première œuvre, un portrait d’enfant peint par Blanche Paymal-Amouroux. Après que mes yeux aient parcouru cette belle peinture, ils se posent sur le cartel. Déception. Il s’agit là d’un cartel tout ce qu’il y a de plus classique, écrit par un connaisseur (le conservateur?). Et j’ai beau chercher je ne vois pas où pourraient être cachés les cartels écrits par les visiteurs.  Je décide de poser quelques questions à la surveillante de salle.
D’après elle, il n’y a pas eu (et il n’y a toujours pas) d’ateliers en lien avec l’exposition. Et mis à part le personnel du musée, personne n’a participé à l’accrochage. Mon rêve de participatif commence à sérieusement s’embrumer.  Moi qui m’attendait à un accrochage original qui aurait été discuté et conçu entre les équipes du musée et les participants extérieurs, à des cartels pleins de poésie ou complètement loufoques, ou encore écrits par des enfants, j’avoue avoir été un peu déçue.

 

« À moitié »

Disons que, pour rester dans l’esprit de Noël, c’est comme voir un joli emballage cadeau avec son nom dessus, l’ouvrir, et y trouver un ourson en peluche à qui il manquerait un œil et deux pattes. C’est une initiative « à moitié bien ». Parce qu’elle n’a pas été assez poussée, pas assez suivie sans doute. Il faut bien avouer qu’en ce moment, la programmation culturelle de la Réunion des musées métropolitains Rouen Normandie est bien chargée. Ajoutez à cela le projet du musée Beauvoisine, et on ne sait plus où donner de la tête. Et cela se ressent : ce jeudi là six ou sept personnes sont entrées dans la salle pendant que j’y étais, et toutes sont reparties assez vite : résultat d’une incompréhension ? Il est vrai que la salle fait un peu figure d’OMNI (objet muséal non identifié) dans le bâtiment du Museum. Et le concept n’est pas vraiment expliqué... je déplore l’absence de panneau expliquant le processus. Dans l’exposition, rien n’est participatif : pas d’endroit pour donner son avis, pour poser des questions, pour écrire des poèmes, des cartels, des souhaits. Une médiation aurait même pu être faite par des bénévoles, avec un peu de volonté.
Pour conclure, je dirais que l’idée est très belle et encore trop rare, mais que lorsque l’on décide de mettre en place ce genre d’évènement, il faut aller au bout. Il faut montrer aux personnes ayant participé qu’elles ont eu du poids, qu’elles ont apporté leur pierre à l’édifice. L’arrivée du nouveau directeur a fait bouger les lignes dans les musées rouennais, mais les projets sont peut-être trop nombreux à Rouen pour être rondement menés ? Bien évidemment, on ne peut qu’être ravi de cette volonté de faire le musée du XXIe siècle, et c’est pourquoi j’espère que pour le projet du Musée Beauvoisine, l’aspect participatif sera plus suivi, que les gens pourront dire « j’ai participé » et ainsi, que le musée devienne le leur, le vôtre, le nôtre !

 C.M

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