A Chantilly, petite ville de l’Oise, le cheval est partout. La légende raconte que le septième prince de Condé, Louis Henri de Bourbon, pensait se réincarner en cet animal et souhaitait des écuries dignes de son rang, raison pour laquelle il aurait ordonné au XVIIIème siècle l’édification des Grandes Ecuries du château qui abritent aujourd’hui le musée. Outre ce bâtiment, le château et son vaste domaine, Chantilly compte également un hippodrome réputé que le visiteur est d’ailleurs amené à longer s’il veut rejoindre le musée à pied depuis la gare. Les Grandes Écuries en imposent par leur architecture impressionnante chargée de statues équines ; leur apparence prestigieuse nous rappelle que nous sommes sur un domaine princier. Le prix d’entrée, d’ailleurs, s’en ressent… A noter qu’il est impossible d’acheter un billet pour le musée seul : le visiteur est pour ainsi dire obligé de payer également l’accès au domaine entier, et ce même s’il n’a pas l’intention (ou le temps) de le parcourir. Il faut donc prévoir de débourser entre 13,50 € et 17 € par personne.

 

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Fig. 1 : Entrée du bâtiment des Grandes Ecuries abritant le musée – © M.T.

 

La singularité de l’établissement apparaît sitôt le seuil franchi : nous pénétrons en effet non pas dans un musée mais dans d’authentiques écuries occupées par des chevaux, poneys et ânes qu’il est possible d’observer dans leurs boxes et leurs stalles. Chacun possède une plaque à son nom, et nous pouvons également apercevoir des éléments de leurs harnachements dans des alcôves réservées à la sellerie. Ces animaux représentent une partie de la quarantaine d’équidés qui participent aux spectacles et démonstrations se déroulant régulièrement dans les carrières et sous le dôme des Grandes Écuries. Des trophées de chasse historiques achèvent de conférer une atmosphère particulière à cette longue salle haute de plafond, où plane l’odeur caractéristique d’un centre équestre. L’entrée du musée proprement dit survient de manière presque anecdotique : nous sommes invités à nous engager dans un couloir entre deux boxes et pénétrons dans un lieu à l’architecture singulière. Le musée est divisé en une quinzaine de petites salles en enfilade faisant le tour de la Cour des Remises. L’ensemble forme un carré autour de ladite cour où se dresse une carrière d’entraînement. A intervalles réguliers, il nous faut sortir à l’air libre et faire quelques pas en extérieur pour accéder au tronçon suivant, car toutes les salles ne sont pas directement accolées. Cette alternance intérieur/extérieur donne à la visite un rythme particulier et permet, avec un peu de chance, d’assister à une reprise d’équitation dans la carrière. Car ce n’est pas pour rien que l’on parle de musée vivant : loin de se résumer à un simple lieu d’exposition d’objets, les Grandes Écuries accueillent quotidiennement des cavaliers qui viennent s’y entraîner devant le public, en dehors des heures de spectacles. Des démonstrations de dressage d’une durée de 30 minutes sont même incluses dans le prix du billet d’entrée. Problème : elles n’ont pas lieu en décembre ni en janvier, or ce détail n’est stipulé nulle part. Il a fallu que j’aille me renseigner à l’accueil pour apprendre qu’il n’y avait pas de démonstration le jour de ma visite. Outre ma déception, j’ai trouvé dommage d’avoir payé le prix habituel sans pouvoir profiter de l’ensemble des prestations annoncées sur le site Internet et dans la brochure. Une réduction du prix aurait été appréciable pour compenser cette absence de démonstration.

 

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Fig. 2 : Le public peut déambuler entre les boxes des chevaux et assister aux entraînements des cavaliers – © M.T.

 

En dehors des présentations équestres, le parcours muséal aborde autant de thématiques qu’il compte de salles. C’est un ordre chronologique qui a été choisi pour évoquer l’alliance entre l’humain et le cheval, depuis les origines de la domestication des équidés jusqu’à leur représentation dans l’art, en passant par l’équitation de chasse, de transport et de loisir, les différentes races de chevaux et les types de harnachements, ou encore le monde des courses hippiques. Ce dernier thème est très présent à Chantilly, au point que deux salles entières y sont consacrées. On y croise par ailleurs un cartel étonnant qui semble presque faire la publicité d’une marque de chronomètres de sport : celle-ci est ouvertement encensée avec une objectivité plutôt discutable, et l’on perçoit nettement l’influence de l’hippodrome voisin ainsi que le lien entre ce musée et les acteurs du monde des courses. J’ai pour ma part regretté que le discours soit exclusivement centré sur l’équitation « classique » et n’aborde pas du tout l’équitation western, par exemple.

 

Fondé en 1982, l’établissement a récemment vécu une refonte de sa muséographie et a rouvert ses portes en 2013. On y déambule dans une ambiance de clair-obscur, au sein d’une scénographie résolument moderne en contraste avec l’architecture ancienne du bâtiment. Un éclairage ciblé met en valeur les objets issus des collections du musée Condé et de fonds privés : peintures, gravures, lithographies, livres anciens, sculptures, figurines, arts décoratifs, éléments de harnachement… le tout accompagné de médiations essentiellement écrites. Soulignons que la rénovation des espaces a fait la part belle au numérique mais qu’un certain nombre des outils tactiles ne fonctionnaient pas pendant ma visite… L’ensemble est harmonieux, avec une charte graphique dans les tons noirs et blancs, et dégage une impression d’élégance mais aussi une certaine austérité. De plus, la nature souvent assez technique des objets paraît s’adresser en priorité à un public de passionnés d’équitation. Un effort a néanmoins été fourni au niveau des médiations pour enfants qui viennent égayer l’ensemble, en proposant de suivre le parcours en compagnie d’un petit personnage équin et de réaliser une série de jeux.

 

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Fig. 3 : Le contenu souvent technique des salles est accompagné de médiations ludiques pour les enfants – © M.T.

 

La visite du musée s’achève sur deux salles dédiées à l’imaginaire du carrousel et de la nostalgie enfantine, qui apportent une touche de poésie bienvenue au terme d’un parcours riche et détaillé, mais par moments un peu aride. La visite aura duré entre 1h00 et 1h30 (compter une demi-heure de plus avec une démonstration de dressage). Je conseillerais fortement de prévoir de visiter l’ensemble du domaine afin de rentabiliser le billet d’entrée et le déplacement – d’autant qu’il y a de quoi faire avec l’immense parc et le château. Les plus enthousiastes pourront également acheter un « billet Spectacle » afin d’assister à une création artistique équestre et voir en action les chevaux du domaine sous le dôme monumental des Grandes Ecuries.

 

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Fig. 4 : Chevaux de carrousel exposés à la fin du parcours dans une ambiance poétique – © M.T.

 

Le Musée Vivant du Cheval se présente donc comme un lieu de découverte de l’histoire de l’équitation classique, fort d’une riche collection d’objets et de la présence de véritables équidés au pouvoir attractif évident. Il souffre parallèlement d’un prix d’entrée prohibitif, d’un discours très centré sur la pratique européenne et asiatique de l’équitation, et d’une muséographie un peu froide. Mais son implantation au cœur d’un domaine princier doit nous amener à le considérer différemment d’une structure isolée : ce musée constitue en effet le rouage d’un ensemble plus vaste comprenant aussi le château, le parc et l’hippodrome. C’est sous cet angle qu’il faut l’aborder car, bien qu’il puisse être visité de façon indépendante, son existence est intimement liée aux autres parties du domaine et aux activités de spectacles équestres qui viennent le compléter. Il serait d’ailleurs intéressant d’observer comment s’articulent et communiquent ces entités, afin de mieux comprendre de quelle manière un musée peut devenir partie intégrante d’un domaine et d’une ville dont il partage l’identité à travers un animal hautement symbolique.

 

M.T.

 

 

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