En période de second confinement en France, les conférences en lignes se multiplient. Elles viennent pleinement nourrir la réflexion sur ce qu’est un musée. La séance De quoi le musée est-il le nom ? proposée par l’ICOM ou les lives du Musée de l’immigration, sont des ressources très intéressantes qui donnent de l’espoir pour faire évoluer l’image des musées.  Dans ces conférences, de nombreux acteurs tentent d’apporter des clés pour cette future définition. 

En parallèle des débats en ligne, depuis plus d’un an, avec le master nous parcourons différentes intuitions culturelles et scientifiques pour découvrir comment certains professionnels travaillent. Du Palais des Beaux-Arts de Lille au Préhistomuseum à Liège, ces visites nourrissent aussi la réflexion sur ce que pourrait être les lieux culturels de demain. 

Quelle place pour l’actualité dans les musées ?

Les institutions culturelles doivent se positionner face aux actualités et disfonctionnements de notre société, même si j’entends souvent que l’engagement, les actualités politiques n’ont pas leur place dans les musées. Certaines visites m’ont permis de penser que cette affirmation est fausse, notamment celle au Préhistomuseum où le discours porté dans les salles est engagé et montre qu’un discours n’est jamais neutre car il écrit soit par une personne ou un groupe.  

 

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Capture d’écran sur le site du Prehistomuseum, Janvier 2021, ©Prehistomuseum.

 

Ses actions sont également engagées, dernièrement l’action solidarité sapiens est mise en place pendant la crise sanitaire liée à la covid. En soutien aux soignants belges, pour chaque place achetée par des entreprises, le Préhistomuseum offre des places aux soignants pour qu’ils puissent se ressourcer.

Parallèlement, les propos de Bruno Brulon, en charge du comité pour la nouvelle définition des musées, pendant la soirée-débat ICOM atteste aussi son engagement, en disant :

« Définir le musée est une tâche politique. » 

De ce fait, si les musées peuvent participer aux changements sociétaux, il est donc nécessaire qu’ils s’engagent, prennent position, pour favoriser la connaissance et la pluralité des dialogues. Un musée doit être un espace de vie. Même si l’une de ses missions est de conserver et donc de limiter les dégradations des œuvres/objets il doit aussi être un lieu de transmission et d’expression. 

 

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Capture d’écran présentation Nathalie Bondil, soirée-débat ICOM, ©AV.

 

Nathalie Bondil, pendant cette même soirée-débat de l’ICOM met en avant l’intercultulturalisme en proposant d’inclure de nouvelles voix et de décentrer le propos pour mieux repenser les expositions. Ainsi, dans le parcours permanent du Musée des Beaux-Arts de Montréal de nouvelles mises en espaces sont réalisées. Le musée présente passé et enjeux contemporains face à face, ce qui offre un nouveau regard sur les collections. C’est également l’occasion pour l’institution de s’engager pour des causes contemporaines telles que l’écologie. 

Dans le live Le Musée part en live #6 organisé par le Musée de l’immigration sur Facebook dédié à la liberté d’expression, Elisabeth Caillet (Fondation Thuram) replace au centre le rôle de la médiation. Pensé comme un outil, il peut être produit et utilisé rapidement, et ne représente pas obligatoirement des investissements colossaux pour les institutions culturelles. Les visites au Musée Delacroix avec Lilian Thuram, ou au Louvre avec Françoise Vergès en 2018, proposent une autre dimension et attribuent un propos aux œuvres d’arts qui font déplacer les foules. Bien plus qu’une visite classique d’histoire de l’art, ils produisent une programmation culturelle en lien avec les acteurs concernées et en lien avec l’actualité intéresse les visiteurs car il implique leurs quotidiens.

Un dialogue pour tous et toutes.

Promouvoir le dialogue au sein du musée et des institutions culturelles est la conclusion forte de la soirée-débat de l’ICOM. Cet élément est déjà présent dans la dernière définition refusée à Kyoto. Il est intéressant de promouvoir cette optique au sein des institutions culturelles, car elles permettent de rendre actif l’espace muséal. En effet, par cette conception, il ne s’agit plus de promouvoir qu’un seul et même discours propre à l’institution. Bien au contraire. Par exemple, les visites organisées par des intervenants extérieurs tels que Feminist in Paris au Musée d’Orsay ou la visite LGBTQ+ au Musée des Beaux-Arts de Bordeaux participent à la création d’un dialogue entre les visiteurs. 

En parallèle des visites orales, les cartels dans le parcours permanent ou dans les expositions peuvent s’inscrire dans cette volonté de dialogue. Récemment, avec le master MEM, nous avons réalisé un workshop en ligne sur la future refonte des cartels du Palais des Beaux-Arts de Lille, qui visait à remettre ces outils scientifiques au service des visiteurs. 

Les cartels n’existent pas là simplement pour mettre en lumière les éléments scientifiques tels que le titre, l’artiste ou le numéro d’inventaire. Ils permettent de transmettre une certaine vision de l’œuvre, un savoir. 

 

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Cahiers des lissiers, Cité internationale de la tapisserie, Aubusson, ©AV.

 

Par exemple, à la cité internationale de la tapisserie, lorsque vous découvrez l’espace dédié à ce savoir-faire, des cahiers retraçant les impressions, notes des lissiers vous accompagnent le visiteur dans la découverte de ces œuvres.  

Introduire le tutoiement, le jeu, différents niveaux de lectures, à ses supports peuvent rendre ces supports accessibles et rythmer la visite. Par ailleurs, la lecture n’est pas la seule manière de découvrir une œuvre. Plusieurs tentatives pour solliciter les sens ont déjà été réalisées dans certains musées tels qu’au Mucem où des objets tactiles dédiés dans un premier temps aux publics malvoyants, sont pris d’assauts par les publics valides. Au Musée des Arts décoratifs et du design de Bordeaux, pour l’exposition Houselife  en 2017 avait valorisé certaines œuvres avec l’odorat. Nombreuses sont les pistes qui restent à exploiter, notamment dans le domaine des Beaux-Arts. 

Désacraliser les Musées des Beaux-Arts.

Apprendre ou admirer n’est pas la seule raison pour laquelle le visiteur se déplace dans un musée des Beaux-Arts. Même si personne ne demande et ne souhaite que les Musées des Beaux-Arts deviennent des parcs d’attractions, Disneyland et le Parc Astérix se débrouillent très bien dans ce domaine, l’expérience vécue est tout de même essentielle. 

La Piscine à Roubaix ou le Palais des Beaux-Arts de Lille l’ont bien compris. La question des sens est notamment exploitée à la Piscine, pendant le temps de visite vous pouvez être surpris par des cris d’enfants se précipitant à la piscine. Or, aucun enfant à l’horizon ne crie ou ne se précipite dans la piscine. Et ce sont ces petites surprises et décalages qui rendent les visites attrayantes. 

Partir du principe que les œuvres ne sont plus la seule motivation de visite est peut-être la clé pour créer de nouvelles habitudes chez les visiteurs. Venir chercher des réponses à l’actualité, à des enjeux économiques, sociaux et culturels contemporains est un axe qu’il ne faut pas évacuer trop vite. Car qui de mieux placé que le musée pour laisser place à la pluralité des voix qui seront le passé de demain. 

 

Anaïs

 

#Musées

#ICOM

#Muséepartenlive

 

Pour aller plus loin : 

Captation vidéo de la soirée-débat du 26 novembre 2020, De quoi le Musée est-il le nom ?

Captation du débat : Le musée part en live, Liberté de création : la culture à l’épreuve des revendications identitaires ?

Article de Serge Chaumier, « Musées engagez-vous », lettre de l’Ocim, n°187, Janvier-Février 2020.

 

Image de couverture de l'article : Museum and local development – from Islands to Hubs – The future of Museums ©Lord cultural ressources and Brittany Datchko.