Cet article met en relation et le questionnement de deux articles parus sur ce même blog. Tout d’abord, celui-ci, qui explore l’impact écologique de la scénographie d’exposition, et son avenir. Il nous rappelle que si la création d’expositions est un métier exaltant et nécessaire à la société, c’est aussi une consommation énorme de ressources et d’énergie, souvent à court terme. Cet article me rappelle différents conditionnements d’objets que j’ai pu rencontrer dans des réserves. Il y avait des objets bardés de mousses en tout genre, parfois même des plateaux de mousse, alors que l’objet conditionné n’est pas en contact avec ce plateau. Mais j’ai pu voir d’autres conditionnements, réalisés avec la volonté de conditionner sans utiliser autant de plastique et de matériaux polluants, parfois non recyclables. Gain d’espace, de matériel, et une conservation toujours aussi efficace pour l’objet. C’est parfait ! Exactement ce que je rêverais de voir dans toutes les réserves de France (et du monde !). 

Le second article présente un workshop de régie réalisé en 2020 au Muséolab du Louvre-Lens Vallée. Nous, la génération biberonnée à l’écologie, n’avons pas assez pris en compte dans nos conditionnements, bien qu’adéquats pour le stockage des collections, leurs impacts sur l’écologie. Au moins en avions-nous pris conscience.  

Panique à bord, si des démarches et des réflexions sont engagées du côté de la scénographie, est-ce suffisamment le cas du côté de la régie des collections et de la conservation des institutions muséales. Je ne doute pas un instant que les petits établissements et les lieux avec de petits budgets fassent attention à leur consommation de matériaux, mais peut-être serait-il bon de faire de ces habitudes d’économies des habitudes d’écologie communes aux différents musées et lieux abritant des œuvres et des réserves  ?  

La régie et le développement durable, qu’est-ce qu’on en dit ?

En menant l’enquête, je m'aperçois qu’il existe de nombreuses ressources. 

J’ai découvert ici (p.61) que le développement durable est discuté au sein des institutions muséales et par les professionnels depuis de nombreuses années, mais que ces travaux sont rarement accessibles au grand public (par leur nature tant que par leur forme). Par exemples :

  • HENRY Michael C., « From the outside in : preventive conservation, sustainability, and environmental management » [en ligne], Conservation perspectives, 2007, vol. 22, n° 1, p. 4-9 <http://www.getty.edu/conservation/publications_resources/newsletters/22_1/feature.html

  • Getty Conservation Institute ( GCI). 2007. Expert’s roundtable on sustainable climate management strategies. Alternative climate controls for historic buildings [en ligne]. URL : www.getty.edu/conservation/science/climate/climate_experts_roundtable.html

  • 2009 Going green : towards sustainibility in conservation. The British Museum, 24 April 2009. Résumés non publiés. 

  • JOUDRIER Aurélien, « L’alliance de la conservation préventive et du développement durable au château de Fontainebleau », Techné, 2011, n° 34, p. 63-66 

  • Etc… 

Cela fait donc plus de 10 ans que cette problématique est discutée et étudiée, comme en témoignent de nombreux documents. On retrouve, entre autres, une formation permanente de l’INP - dont la bibliographie, très complète, est accessible en ligne - le mémoire d’une étudiante de l’Ecole du Louvre, et une journée d’études de l’Association française des régisseurs d’œuvres d’art sur le sujet (à laquelle a participé le Master), et d’autres documents. De façon plus accessible,  la lettre de l'OCIM nous instruit à ce sujet. 

Un manque d’outils didactiques ?

Pourtant, à l’heure où l’avenir de la planète (et le nôtre) est sur toutes les lèvres et tous les claviers, je m’interroge. On a ici énormément de documentation, et des professionnels prennent le temps de réfléchir à ces questions mêlant conservation et développement durable. Pourtant, aucun guide pratique, concis, didactique, récent. D’un autre côté, il existe plusieurs de ces guides pratiques pour l‘éco-conception d’exposition, qui s’inspirent des principes de l’éco-conception. Certains journaux grands publics ou un peu plus spécialisés  y ont même consacré des articles : Le Monde ou encore Le Journal des Arts. Pourquoi cette absence en régie muséale de guide d’écoconception, d’écogestion, ou d’écoconservation ? Est-ce qu’il suffirait qu’une structure se lance pour que d’autres suivent, comme ce fut le cas pour les guides d’écoconception d’exposition publiés par la Cité des Sciences et de l’Industrie et la BnF ? 

Du côté de la régie, les quelques articles existants sont généralement réservés aux abonnés de revues spécialisées (ici) ou ne sont pas disponibles en ligne (). Ces dernières années, on a vu apparaître en parallèle plusieurs choses : un essor du développement durable dans tous les aspects de la société, et un intérêt grandissant du public pour les “envers du décor” dans de nombreux domaines, et donc de plus en plus de tentatives de rendre les réserves “ouvertes” au public (voir ce très bon article). Alors pourquoi ne pas plus médiatiser ce que fait la culture en matière d’écologie, pourquoi ne pas créer des ateliers de recherches de solutions etc ? Mettre en valeur ce qui se fait dans les musées pour donner à voir des aspects de nos métiers qui peuvent intéresser ? 

Deux guides à écrire ? 

De mon point de vue extérieur à la régie dans les musées, je vois deux grandes thématiques liées à la régie dont pourraient traiter ce genre de guides. 

La thématique des prêts et des expos temporaires, et celle du conditionnement et de la conservation des œuvres. Pour ces deux thématiques, on peut s’appuyer sur ce qui se dit en écoconception d’exposition et sur les principes généraux de l’écoconception, et notamment sur l’analyse expographique réalisée à ce sujet par les étudiantes du MEM à l’automne 2020. 

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Schéma des phases d'écoconception ©Explorathèque

 

Il ne s’agit jamais - et surtout pas en matière de transports ou de conservation d’œuvres et d’objets de collections - de créer des contraintes pour la structure, mais de se poser des questions tout au long d’un processus de conservation, de transport, ou autres pour s’assurer qu’il n’existe pas de façon plus écologique de réaliser certaines actions. 

Par exemple, serait-il possible de réduire au maximum l’impact écologique des déplacements d'œuvres, ou encore celui de la création de mobilier et son transport, montage, recyclage… (les scénographes discutent de ces questions, notamment Les Rad!cales) ?  

Il serait également possible de réutiliser le mobilier de réserve d'autres structures si celles-ci changent leur parc, ou de mettre en commun des mobiliers utilisés pour que les structures ne rachètent pas toujours du neuf.

En plus de ces différents principes, on peut également s’interroger sur plusieurs concepts qui vont sans doute prendre de plus en plus de place dans nos sociétés et donc dans nos musées : produire moins et mieux ; penser et prévoir le recyclage dès la production ; créer et utiliser des réseaux de réemploi, des outils participatifs...

Pour ce qui est du conditionnement et de la conservation des œuvres, peut-être est-il également possible de minimiser les retombées environnementales. On pourrait par exemple réfléchir à des conditionnements moins gourmands en matériaux (parce que l’image juste en dessous, c’est très bien pour un transport mais c’est un festival de gâchis pour une conservation censée durer plusieurs années, pour un objet qui ne sera pas amené à être déplacé) : plutôt qu’un bloc de mousse dans lequel la forme de l’objet est creusée, choisir d’utiliser des cercles de mousses qui viendraient soutenir l’objet sans l’enfermer, à intervalles réguliers ?

D’autres questions sont sans doute à poser pour approfondir cette démarche. 

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Sabre conditionné lors d’un workshop régie © C C

 

Néanmoins, peut-être que toutes ces questions et bien d’autres trouveront des réponses en juin 2021, lors de la parution de la prochaine édition de Museum International. Ce magazine préparé par l’ICOM dont le thème sera « Les réserves des musées » abordera sans doute la question du développement durable dans les réserves, comme on peut le voir ici

M.P

 

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