À l’heure où le développement durable est au cœur des préoccupations, le Palais des Beaux-Arts de Lille propose pour la première fois une exposition écoconçue. L’ensemble est un dialogue entre œuvres picturales et cinématographiques plus contemporaines, s’inspirant de la vie du peintre. Et au cœur de cette exposition, deux toiles Les Jeunes et Les Vieilles du peintre espagnol Francisco Goya, que l’exposition décadre. 

Image de couverture : Expérience Goya, atrium du Palais des Beaux-Arts © Marion Blaise 

L'écoconception d'une exposition

Le développement durable est, selon l’INSEE, « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». L’enjeu est un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. Répondre à ces trois problématiques, c’est le défi que s’est lancé le Palais des Beaux-Arts de Lille pour sa nouvelle exposition temporaire Expérience Goya. Soucieux de l’environnement, le musée souhaite maîtriser son impact environnemental et avoir une portée sociale forte. 

La scénographie des expositions temporaires entraîne généralement de gros coûts financiers et environnementaux pour un temps court. Pour cette exposition, au moins 70% de la scénographie de la manifestation sera réutilisée pour les deux ou trois prochaines expositions temporaires du musée. C’est du moins ce qui est expliqué aux visiteurs dans un espace-couloir limitrophe à l’exposition.

Si les expositions temporaires sont souvent propices au transport d’œuvres dans le monde entier, l’Expérience Goya limite cette pratique. Les deux œuvres phares de l’exposition, Les Jeunes et Les Vieilles viennent des collections du Palais des Beaux-Arts tout comme la série d’eau forte Les Caprices, dont quatre-vingts planches sont conservées dans les réserves.  Seulement deux tableaux ont été transportées par avion. Les prêts sont réalisés avec des pays très proches de la France comme la Belgique, l’Allemagne et l’Espagne. Le musée met en place cette volonté nouvelle de créer des expositions avec des musées voisins, en gardant toujours la qualité scientifique et esthétique comme principales préoccupations.

La volonté de médiation s’exprime à travers l’écriture des cartels. Ceux ne sont pas des cartels classiques qui sont proposés, comprenant le titre et la description de chaque œuvre, mais des cartels qui entrent dans un véritable parcours, celui de la vie et de l’œuvre de Goya. Cette proposition répond à l’enjeu social donnant le maximum de clés de compréhension aux visiteurs : contexte historique, contexte de réalisation de l’œuvre, réflexion du peintre.

Pour l’Expérience Goya, la musique, avec les ambiances sonores composées par Bruno Letort spécialement pour l’exposition et la projection vidéo sont utilisées consciemment, appuyant l’expérience du visiteur sans éclipser les peintures et les dessins présentés. Le numérique, bien présent dans l’exposition, dans la rotonde et sur les deux écrans géants au début et à la fin de la visite, engendre une pollution importante au même titre que le transport des œuvres ou la construction scénographique. Le Palais des Beaux-Arts de Lille utilise consciemment cet outil, comme support de compréhension pour le visiteur, mais somme toute uniquement sur trois grands écrans et sans dispositifs numériques tactiles moins collectifs. L’éclairage fort présent et nécessaire dans cette scénographie de l’ombre sublime les deux toiles, pièces maitresses du musée, dans une mise en scène finale qui clôt l’exposition en mettant à hauteur de visiteur et dos à dos ces toiles que l’habitué du musée ne voit que côte à côte et en hauteur.

 Goya

L’exposition Expérience Goya invite à une plongée dans la vie de l’artiste. Deux œuvres, Les Jeunes et Les Vieilles, permettent de concentrer à elles seules l’histoire et la vie du peintre. Centrales dans le propos, elles ne sont pourtant présentées qu’à la fin, décadrées, dos à dos dans une salle circulaire. 

 

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Expérience Goya au Palais des Beaux-Arts de Lille © Marion Blaise

 

Francisco Goya est né en 1746 à Fuendetodos. Il épouse en 1773 Josefa Bayeu et de 1775 à 1792, la série des cartons de tapisserie pour la Manufacture Royale. En 1780, Goya est élu à l’académie royale des Beaux-Arts de Madrid. Il devient alors portraitiste de la noblesse espagnole et le peintre de la chambre du Roi en 1789. 

En 1792 Goya devient sourd et cet incident marque un véritable tournant dans ses œuvres. En 1797 la série d’estampes Les Caprices est imprimée, dévoilant son regard sur la société espagnole. Dali réinterprète ces Caprices, en 1977, exagérant les symboliques posées par Goya. La scénographie de l’exposition permet aux visiteurs une lecture comparée des deux séries.  

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Expérience Goya au Palais des Beaux-Arts de Lille © Marion Blaise 

 

En 1808, Goya assiste à la guerre d’Indépendance d’Espagne, en décembre, Madrid se rend à Napoléon. Peintre du roi, Goya réalise des portraits de la famille de Charles IV, ce dernier étant contraint d’abdiquer avec Napoléon. 

Témoin de cette période de guerre, Goya en retranscrit l’horreur dans ses peintures qui représentent des scènes funestes et macabres. La folie des asiles lui inspire la série d’eaux-fortes Les Désastres de la guerre. Au Palais des Beaux-Arts, les murs mauves et l’ambiance sonore lourde retranscrivent parfaitement l’atmosphère de la vie de l’artiste que l’on découvre au fil de l’exposition. 

Bien après sa mort, Goya continue d’influencer de nombreux artistes, des cinéastes s’appuient sur des œuvres, ou des évènements de sa vie. Une dizaine d’extraits de films sont présentés au début et à la fin de l’exposition. Des extraits des fantômes de Goya, de Milos Forman en 2006, de Goya à Bordeaux, de Carlos Saura en 1999, de Mr. Arkadin, de Orson Welles en 1955, de Goya, l’hérétique, de Konrad Wolf en 1971 et de Passions, de Jean-Luc Godard en 1982, introduisent l’exposition pendant dix minutes. Cette dernière se conclut par d’autres extraits, plus sinistres, à l’image du propos, tel que Le Gasanova de Fellini, de Frederico Fellini en 1999, Tale of Tales, de Matteo Garrone en 1955, et qu’Il était une fois dans l’ouest, de Sergio Leone en 1982. En Espagne, les récompenses de cinéma sont d’ailleurs surnommées les Goyas.

« Maintenant je ne crains plus les sorcières, ni les esprits, ni les fantômes, ni les géants fanfarons, ni les poltrons, ni les malandrins, ni aucune classe de corps, je ne crains rien ni personne exceptés les humains… » Goya, avant 1789. 

L'immersion

Outre l’ambiance sonore et des murs sombres évoquant la vie difficile du peintre, le musée propose aux visiteurs une immersion gratuite dans la vie de Goya dans l’atrium. Nous concluons sur cette véritable introduction à la vie de Goya, une rotonde qui de fait ouvre l’exposition. Sur l’extérieur de cette rotonde, une frise circulaire retrace en quarante dates la vie de Goya, la vie des deux toiles Les Veilles et Les Jeunes que possède le musée, et l’influence contemporaine de Goya notamment sur des peintres et des cinéastes. En son intérieur, la rotonde immersive propose à presque 360 degrés une expérience des tableaux du peintres.BLAISE 2021 GOYA IMG3

Expérience Goya, atrium Palais des Beaux-Arts de Lille © Marion Blaise

 

Entourés de tableaux dont certains s'animent (les yeux bougent...), le visiteur est assis dans une pièce recréant un atelier de peintre. Les tableaux sont présentés par fragments dans le but d’une meilleure compréhension et donnent le ton : celui des expressions qui retranscrivent l’effroi, ce qui introduit bien les Caprices. 

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Expérience Goya, salle immersive, Palais des Beaux-Arts de Lille © Marion Blaise
 
Marion Blaise 

 

Pour aller plus loin : 

EXPERIENCE GOYA / Agenda - Palais des Beaux Arts de Lille

Guide du Palais des Beaux Arts de Lille

 

#Ecoconception #Goya #Roman scénographique