Alors que les enjeux écologiques sont connus de tous depuis de nombreuses années, comment les institutions culturelles prennent part à cette « prise de conscience » ? Les muséums d’histoire naturelle sont, du fait de leur histoire, intimement liés à cette question. En effet, comme le démontrent très bien Florian Charvolin et Christophe Bonneuil dans leur article « Entre écologie et écologisme : la protection de la nature au Muséum dans les années 1950 », les muséums, et principalement celui de Paris, s’investissent d’un nouveau rôle à la toute fin de la Seconde Guerre mondiale : celui de la protection de la nature. Même si aujourd’hui, leurs missions se sont éloignées de cet objectif et correspondent dorénavant à celles d'une institution culturelle, il n'en est pas moins intéressant de comprendre comment se placent les muséums face à ces questions d’environnement, de biodiversité et d’écologie.

Présenter la nature comme un bijou de biodiversité

Le musée d’histoire naturelle de Paris propose depuis le 23 octobre 2021, l’Odyssée sensorielle  une exposition coproduite par le muséum et par la société Sensory Odyssey. Dans cette exposition, un parti pris fort est tenu : montrer la richesse de la nature et faire découvrir aux publics le monde animal. Durant tout le parcours, les visiteurs.euses passent d’espace en espace, de monde à monde : marais, forêt, savane, océan, souterrains, banquise, etc. Dans chacun de ces mondes, ils sont invités à regarder la nature vivre sur de grands écrans accompagnés d’un dispositif olfactif ainsi que des jeux de lumière et de température.

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Odyssée sensorielle, © M.Maine.

 

Cette exposition « spectacle » souhaite montrer une nature qui émerveille. La protection de l’environnement n'est pas le fond du propos. Néanmoins, comme ce projet est basé sur des campagnes de vidéo-reportages, certains moments captés rappellent aux publics les problèmes écologiques actuels de fonte des glaces comme de pollution des mers, avec des exemples comme celui d’une chute de glacier ou encore d’une baleine essayant de manger un sac plastique. Pour autant, le discours proposé par le muséum en fin de parcours, dans le « point chaud », ne traite pas réellement de ces moments captés.

Il est vrai que les muséums d’histoire naturelle ont longtemps été un moyen de montrer aux publics la richesse et la beauté de l’environnement. Certaines scénographies sont très représentatives de ce discours comme la première partie du parcours du Naturalis de Leiden (Pays-Bas), Life. Une gradation scénographique et muséographique prépare petit à petit, depuis les profondeurs, les publics à s’émerveiller devant le foisonnement de spécimens à la surface. Un grand nombre de mammifères y sont exposés dans une mise en scène spectaculaire.

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Life, Naturalis de Leiden © M.Maine.

 

Une histoire des collections à connaître

Cette idée d'accumulation fait partie intégrante de l’histoire des muséums et de leurs collections. En effet, les premières collections de sciences naturelles ont été rassemblées dans des contextes particuliers, principalement au XIXe siècle. Il s’agissait alors d’une collecte systématique dont témoigne aujourd’hui le nombre de spécimens présentés dans les institutions (200 000 au muséum de Paris par exemple). Certains muséums prennent même le parti de l’illustrer dans leur muséographie comme le Muséum d’histoire naturelle de Lille et la présentation d’oiseaux dans les anciennes vitrines.

Cette masse de spécimens se retrouve également dans le Naturalis de Leiden et notamment dans la partie dédiée à la séduction et à la reproduction. En effet, au centre d’un espace très scénographié, sont exposés œufs, nids, petits, adultes, fruits d’arbre, etc. La mise en scène à destination du jeune public rend le tout très ludique et amusant. Néanmoins, il s’agit de collectes massives de spécimens, allant toujours plus loin dans la « collection » : le mâle, la femelle, les petits, l’espèce avec son pelage d’hiver, les œufs, les nids, etc.

Comment parler de l’impact humain sur l'environnement dans un muséum ?

Le Natuurhistorisch de Rotterdam rappelle aux publics les enjeux écologiques actuels tout au long de son parcours. Une salle dédiée aux expositions temporaires accueille un.e artiste contemporain.e qui compose des peintures de paysages naturels « habités » par les déchets humains (masques, canettes ou autres). Dans le reste du parcours, un dispositif expographique pousse les publics à se remettre en question : l’animal est obligé de s’adapter à son environnement, imposé par l’humain. Ainsi, sur un socle, un cygne naturalisée est installée dans son nid entièrement constitué de déchets humains. Cette mise en scène peu habituelle et rare dans les muséums marque un réel tournant muséographique : ne plus présenter l’animal dans son environnement fantasmé et idéalisé mais bien dans un contexte bouleversé par l’humain.

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Natuurhistorisch de Rotterdam© M.Maine.

 

La séduction, la reproduction, la naissance sont autant de thèmes particulièrement plébiscités par ces institutions mais la mort des espèces ne l’est pas tant que cela. Deux structures évoquent toutefois la mort des êtres vivants dans un discours engagé : le Naturalis et le Natuurhistorisch. Le premier accorde à la mort un espace d’exposition complet, Death mettant en scène le décès de l’animal causé par l’homme. Dans cet espace, la muséographie présente notamment les méthodes d’éradication des espèces qualifiées de nuisibles, la quantité d’insectes tués lors de nos déplacements en voiture, nos habitudes alimentaires omnivores ou encore l'utilisation du cuir ou des peaux animales pour certaines confections de vêtements. Même s’il n’y a pas de remise en cause de ces pratiques, aborder cette thématique reste un geste fort (et nécessaire) pour le muséum. Du côté du Natuurhistorisch, le propos autour de ce sujet est plus pointu : pour parler des espèces tuées sur la route, une vitrine expose directement un hérisson écrasé. Le muséum appose également la mention des circonstances dans lesquelles les animaux naturalisés, nouvellement acquis, sont décédés sur un cartel (impact avec un hélicoptère, marée noire, etc.). Les enjeux écologiques ne sont pas tant abordés dans les muséums par la démonstration des extinctions de masses mais bien par l’impact « direct » de l’humain sur la faune : transport, élevage, chasse, etc.

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Natuurhistorisch de Rotterdam© M.Maine.

 

Les muséums peuvent aborder de différentes manières les questions d’écologie, d’environnement et de bien-être animal, que ce soit dans leurs discours, dans leurs sujets d’exposition ou même dans leurs expôts.

Et si ces institutions ne se limitaient pas à traiter ces questions comme un sujet d’exposition mais s’interrogeaient elles-mêmes sur leur propre consommation et leur impact écologique ? Énergie, matières premières, recyclage… De plus en plus d’expositions sont développées avec une volonté d’« écoconception » ; c’est-à-dire une conception respectant au mieux les principes du développement durable ainsi que l’environnement.

 

MAINE Marion

 

Références bibliographiques / pour aller plus loin

#Muséum #Environnement  #ImpactsHumains