L’intérêt est souvent porté sur ce qui se passe à l’intérieur des musées, sur les expositions et leur scénographie. Pourtant, un musée c’est avant tout un bâtiment. S’intéresser au bâti d’une institution culturelle et à son architecture, c’est en apprendre plus sur son histoire, sur le lieu et ses ambitions. Comment concilier un programme muséographique avec un programme architectural ? Quelle est l’importance du bâti dans la vie d’une institution ? L’architecture muséal a beaucoup à nous dire !

Image d'intro : La cité du vin, Bordeaux © Manon Deboes

L’architecture : un outil-message pour les musées.

La façade est ce que les publics aperçoivent en premier. Elle est la grande vitrine du musée qui donne sur la ville et elle dit beaucoup de choses... ou parfois rien du tout ! C’est là que s'opposent des architectures considérées comme plus contemporaines aux bâtiments d’origine plus ancienne. L’aspect extérieur du musée peut être en corrélation avec ce qui est exposé à l’intérieur. Le classicisme d’une façade peut alors nous indiquer la teneur des collections que renferment ses murs. Les musées des Beaux-arts sont effectivement le plus souvent au cœur d’architecture basée sur la symétrie typique du classicisme romain auquel s'ajoutent des influences du baroque français et italien. Ce n’est pas pour rien que ce style se nomme l’architecture des Beaux-Arts !

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Vincent VALENTIN, © BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

 

A contrario, les publics peuvent être moins enclins à deviner ce qui se cache derrière les murs de certaines institutions à l’architecture plus contemporaine. Les exemples ne manquent pas en France et à travers le monde. L’architecture moderne des institutions comme le Frac MECA à Bordeaux, la Cité du vin à Bordeaux, le Centre Pompidou-Metz et bien d’autres, ne permet pas d’affirmer sa fonction d’un simple coup d'œil. Ces édifices attirent néanmoins le regard par leur forme atypique et invitent à en découvrir plus. De fait, depuis quelques années, les nombreux musées à l’architecture contemporaine qui voient le jour tentent d’attirer de nouveaux visiteurs et visiteuses, en misant sur des expositions et des événements inédits mais aussi sur l’aspect remarquable de leur architecture. Le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou à Paris, ouvert en 1977, traduit bien cette volonté. C’est d’ailleurs l’un des premiers musées à avoir misé son attractivité sur l’aspect extérieur du bâtiment. Pari réussi, puisqu’aujourd’hui les publics viennent en nombre voir ce musée à l’architecture originale où tous les éléments de circulation sont visibles de l’extérieur. L’importance du bâti dans la vie du musée est manifeste lorsqu’il devient l’emblème d’une ville. A Paris, le Centre Pompidou est effectivement devenu un incontournable. L’architecture peut ainsi jouer sur la réputation et la fréquentation d’une institution en devenant un outil diffusant le message d’une ville tournée vers la culture. L’exemple mondialement connu reste le musée Guggenheim à Bilbao, qui a ouvert ses portes aux publics en 1997. C’est autant son architecture sculpturale et spectaculaire qui fait parler de lui que son architecte reconnu dans le monde entier : Frank Gehry.

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Naotake Murayama from San Francisco, CA, USA, © BY 2.0 via Wikimedia Commons

 

L’architecture du musée devient une œuvre à part entière et le musée mise aussi sur la notoriété de son.sa créateur.ice. Cette tendance à se tourner vers les “starchitectes” s’explique alors par cette volonté de devenir le nouvel emblème d’une ville et de marcher sur les pas de “l’effet Bilbao”. Cette architecture atypique a permis de redynamiser l’ancienne cité portuaire industrielle de cette ville du Nord de l’Espagne. C’est dans cette optique d’édifier un nouveau pôle culturel attractif dans des quartiers sur le déclin que certaines villes misent sur cet “effet Bilbao”. Parmi les exemples les plus connus en France, le Louvre-Lens en 2012, le Mucem à Marseille l’année suivante et le musée des Confluences à Lyon en 2014.

La programmation : un défi architectural et muséographique.

La lisibilité de l’architecture d’un musée a tout autant son importance de l'extérieur - pour diffuser le message d’une ville culturellement dynamique - qu’à l’intérieur. Comme le souligne Kali Tzortzi, la forme architecturale et spatiale d’un musée influe sur l’expérience de visite des publics.1. Or, si ces derniers rencontrent des difficultés à se déplacer, à comprendre la distribution des différents espaces, leur visite en sera forcément impactée. D’autant plus qu’au cours de ces 20 dernières années, certains musées se sont vu doter de nouveaux espaces. Ces derniers ne répondent pas aux missions de conservation, de recherche et de documentation de ces institutions mais viennent assurer d’autres besoins auxquels les établissements recevant du public font face. Ce sont des espaces de services tels que les cafétérias, les boutiques et les lieux de repos. Ils demandent ainsi une distribution de l’espace que les architectes de musées doivent prendre en compte. Bien que la signalétique ait aussi un rôle à jouer, la gestion des flux et de création d’espace aux fonctions bien définies doit être pensée en amont et donc prise en compte dans le programme architectural.

La programmation architecturale - dans la construction d’un musée ou de tout autre bâtiment - est un document qui vient décrire le projet pour que l’équipe de maîtrise d'œuvre - l’architecte ou l’agence d’architecture - puisse bien comprendre la demande. Elle rappelle les enjeux et besoins du ou des commanditaires, appelés aussi maîtres d’ouvrage, dans ce cas-ci le musée. C’est la ligne de conduite à ne pas perdre de vue pendant toute la durée du chantier, tout en respectant le programme muséographique.

Dans le cas de la création d’un nouveau musée, la programmation architecturale doit prendre en compte les enjeux du programme muséographique et tenter de répondre à ses besoins. Le programme muséographique, au même titre que la programmation architecturale, vient définir les contenus du ou des parcours d’exposition en s’appuyant sur le projet scientifique et culturel (PSC). Ce dernier décrit quant à lui, l’identité et les grandes orientations du musée. Tous ces documents sont nécessairement produits en amont des lancements du chantier.

Le fait de sortir entièrement un bâtiment, un nouveau musée de terre demande, en effet, une grande organisation - et de nombreuses études et documents au préalable - pour bien définir les besoins et enjeux du projet. Pour cela, il importe de bien comprendre les rôles de chacun des corps de métier qui interviennent et interviendront dans le projet pour les coordonner au mieux aux différentes étapes.

Les métiers de la muséographie, de la conservation préventive et de la muséologie sont des domaines spécialisés dont les enjeux sont peu compréhensibles aux non-initiés. Comme cela peut être le cas dans le milieu de la construction et du bâtiment. Cette méconnaissance entre les exigences architecturales et les besoins muséologiques se voit renforcée par l’usage d’un vocabulaire propre à chaque discipline débouchant généralement sur des difficultés de communication. Ce n’est néanmoins pas une fatalité. Cette difficulté peut être évitée avec une bonne préparation en amont des programmes muséographique et architectural qui définissent avec précision les besoins de chacun. Bien que chaque projet soit unique, cela offrira une meilleure compréhension afin de travailler en harmonie dans la réalisation.

Ces chantiers lancés quelques années après la fin des derniers ne sont parfois pas un problème de coordination entre le programme architectural et muséographique, entre les équipes de maîtrise d'œuvre et de maîtrise d’ouvrage. Ils répondent aux constantes évolutions des musées et de leurs objectifs. Comme le souligne l’architecte, scénographe, Adeline Rispal, la pérennité d’un projet architectural et muséographique ne peut être possible qu’à condition que ce dernier réponde « (...) à la variabilité des contenus et donc en organisant la flexibilité des installations pour en permettre l’adaptation régulière aux fruits de la recherche scientifique. »2.

Cependant, cette prouesse architecturale et muséographique n’est pas toujours possible. Notamment quand les musées sont implantés dans des monuments classés qui sont régis par de nombreuses protections. Les sites classés font les frais d’une politique de patrimonialisation, qui vise à « figer » un bâtiment, ralentissant de ce fait les ambitions de bon nombre d’institutions. Selon le point de vue, cela les pousse aussi à redoubler de créativité pour atteindre leurs objectifs.

Les besoins des musées évoluent constamment, parfois liés aux envies des publics toujours avides de nouvelles découvertes d’offres muséales. Cette mutation mène parfois à une muséographie et une scénographie vite obsolète au point que l’institution doit se remettre au goût du jour, voire être rénovée.

Qu’il soit ancien, de forme classique, plus contemporain et source de modernité et d’expérimentation, le bâti occupe une place importante dans la vie de l’institution. Cela est le cas autant d’un point de vue extérieur qu’intérieur. L’architecture d’un musée, par sa distribution des espaces, est la traduction directe de son projet culturel et scientifique. Que le bâti soit protégé par son statut, ou qu’il soit l’objet d’un chantier de rénovation, il est l’enveloppe d’une ambition scientifique et culturelle à l’échelle de l’institution et d’une ville.

Manon Deboes

Références :

1. Interroger le rôle de l’espace dans le musée, Tzortzi Kali, La Lettre de l’OCIM, n°169, 2017, p. 12-18
2. Rispal, Adeline., « L’architecture et la muséographie comme médiation sensible ». Muséologies, 3(2), 2009, 90–101.

 

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