À travers un parcours composé de 8 séquences, l’exposition retrace la naissance du hip-hop français depuis ses origines : les États-Unis. Comment le hip-hop est-il devenu un tel phénomène culturel ? De la musique à la danse, en passant par la mode, le rap et les premières radios, zoom sur l’histoire du hip-hop.

image d'introduction : Vue de la séquence 2 : Conçu pour durer. © Marie Thérasse

Un parcours à 360° : sous quel prisme ?

Eh oui ! La Philharmonie a fait le choix de présenter uniquement la branche française du hip-hop. Cette particularité surprend, car le titre promet une rétrospective à 360 degrés. On pourrait s’attendre à ce que l’exposition retrace l’histoire du hip-hop d’un point de vue international. Or, il n’en est rien. Le titre Hip-hop 360 : Gloire à l’art de rue fait, en réalité, référence à tout ce qui caractérise la culture hip-hop : la musique, le style vestimentaire, la danse… Il s’agit d’un mouvement artistique pluridisciplinaire et c’est précisément cela que l’exposition a voulu montrer. Un point de vue pour le moins original et qui fonctionne bien.

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Plan de l’exposition. ©Marie Thérasse

 

Dès l’entrée de l’exposition, une salle d’introduction présente deux frises murales : l’une est chronologique et reprend les dates clés de l’histoire du hip-hop. Cette même frise est répétée sur le mur adjacent, au format numérique cette fois. Des dates et des photos défilent et des extraits musicaux sont diffusés en fond sonore. La seconde frise se présente sous forme d’arborescence des différents styles : rap, graff, beatbox, DJ, danse. Ce schéma est accompagné de quelques objets. Ainsi, le visiteur comprend bien comment le hip-hop est structuré. Cette introduction donne le ton et le visiteur comprend tout de suite dans quoi il s’embarque.

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Séquence d’introduction, frise murale. ©Marie Thérasse

 

Le visiteur arrive ensuite dans la première salle consacrée à la naissance du hip-hop. Cette séquence revient sur l’origine de cette nouvelle culture : les États-Unis. Le visiteur est plongé dans le quartier du Bronx à travers une série de photographies mettant en lumière le climat social qui règne dans les années 1970. Les grands noms de cette histoire sont également mis à l’honneur, tels qu’Afrika Bambaataa et la Zulu Nation ou encore Dee Nasty. Ce sera la seule et unique salle consacrée au hip-hop américain. Ensuite, cap sur la France. De l’autre côté de l’Atlantique, le hip-hop débarque au début des années 80 et ce sera le début d’une longue histoire que l’exposition retrace sous tous ses angles. La deuxième séquence concerne le développement du hip-hop en France et comment il s’y est établi de façon durable. La troisième séquence se concentre sur les émissions radio qui ont diffusé du hip-hop. Ensuite, c’est au tour du graffiti, de la mode et du beatmaking de faire leur entrée dans cette rétrospective. Les paroles ne sont pas en reste et font également l’objet d’une séquence dédiée qui met en avant la grammaire du rap, ses rimes et son freestyle. Le désir d’affronter d’autres rappeurs autour de battles prend le dessus et les mots doivent être bien choisis pour avoir de l’impact sur son adversaire.

Immersif ou pas immersif ?

L’immersion : c’est par ce terme que la Philharmonie a choisi de définir cette exposition. Mais qu’est-ce qui pousse à utiliser un tel qualificatif ? Si le terme est de plus en à la mode ces dernières années, la plupart des expositions immersives se caractérisent souvent par une utilisation importante du numérique et de projections en vidéomapping. Ce n’est pourtant pas le cas pour Hip-Hop 360. Dans ce cas, qu’est-ce qui peut bien motiver la Philharmonie à utiliser ce vocable ?

Et bien, c’est la scénographie ! Réalisée par Clémence Farrell, elle plonge le visiteur dans un univers urbain en reprenant les codes des lieux où la culture hip-hop est née : le Bronx, les studios radio ou encore le métro parisien. D’abord, de par les photographies du Bronx dans la première séquence et ensuite par la seconde séquence. Cette dernière contient un décor reconstitué d’un salon des années 80 où le visiteur peut s’assoir et regarder des extraits de l’émission h.i.p.h.o.p de 1984, diffusés sur une télévision cathodique. Visuellement, ce décor détonne un peu par rapport au reste de la scénographie, mais son contenu a du sens et il fonctionne plutôt bien. Il suffit de s’y assoir pour basculer 40 ans en arrière. Nostalgie garantie !

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Vue de la salle 1 : Retour aux sources. © Marie Thérasse 

 

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Séquence 2, reconstitution d’un salon des années 80. © M. Thérasse

 

La part immersive de l’exposition est aussi amenée par l’espace 360, un cercle panoramique de 120m² qui rappelle les cyphers (espace de freestyle). Cet espace est dédié à la diffusion de vidéos et présentant les diverses ramifications qui composent le hip-hop. Après avoir pénétré cet espace, le visiteur est directement plongé au milieu d’un concert de Diam’s ou d’une prestation du beatboxer Faya Braz.

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Vue panoramique de l’espace 360. ©Marie Thérasse

 

De façon générale, la scénographie est très réussie et fonctionne assez bien. Tantôt brute, tantôt recouverte de graffitis, la tôle froissée revient à plusieurs reprises comme élément de décor. L’intérieur d’une rame de métro a aussi été reproduit pour illustrer le développement du graffiti parisien. Les visiteurs prennent place sur le banc pour regarder une vidéo explicative sur cette pratique.

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Scénographie séquence 5 : rame de métro. ©Marie Thérasse

 

La séquence sur la mode décompose chaque style vestimentaire au moyen de mannequins habillés avec les tenues typiques de la culture hip-hop, tandis que des téléviseurs font office de têtes et diffusent des vidéos explicatives. Cependant, ces éléments suffisent-ils à qualifier cette exposition d’immersive ? Le terme est peut-être mal choisi, car il ne correspond pas à la définition qu’on en donne récemment. Toujours est-il que le caractère immersif au sens propre est bien présent.

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Mannequins utilisés pour la scénographie de la séquence 6. ©Marie Thérasse

 

En avant la musique

Qui dit exposition sur le hip-hop dit forcément musique ! Indispensable à une telle exposition, l’écoute de pistes audios occupe une place importante et les visiteurs reçoivent un casque dès leur entrée. Grâce à cela, ils peuvent à tout moment le brancher à un boitier pour écouter un morceau ou visionner une vidéo. Cependant, les casques sont assez imposants et le nombre d’entrées audio n’est pas toujours bien pensé. D’une part, les boitiers sont parfois trop peu nombreux et les visiteurs doivent patienter pour pouvoir brancher leur casque. D’autre part, les vidéos proposent parfois jusqu’à 4 branchements, ce qui engendre la présence d’un regroupement important devant un petit écran. Quant aux extraits audios, ils disposent de 8 entrées. Les casques étant filaires, cela contraint le visiteur à ne pas s’éloigner au-delà de ce que la longueur du fil lui permet. Ces conditions ne sont pas toujours favorables à une visite confortable. Il aurait peut-être été préférable d’utiliser des audioguides individuels pour plus de confort, au détriment de l’interactivité entre visiteurs.

Néanmoins, l’utilisation d’un casque est nécessaire pour ce type d’exposition, vu le nombre d’audios à écouter. De plus, cela permet une bonne gestion du son dans l’espace. La majorité des écoutes se fait par casque, le visiteur n’est donc pas dérangé par les sons environnants. Dans certaines salles, le son est directement diffusé à travers des haut-parleurs. Dans chacune d’entre elles, la diffusion du son est toujours bien maitrisée. Une fois sorti d’une salle, le visiteur n’entend plus le son qui était diffusé précédemment. À l’exception de l’espace 360 où le son est spatialisé. Le cercle est ouvert et donne directement sur le reste de la pièce. Cela n’est néanmoins pas gênant et cela crée une ambiance sonore qui n’empêche pas de profiter des 3 dernières séquences.

Interactivité ne rime pas toujours avec efficacité

Des dispositifs de médiation sont disposés tout au long du parcours. Dans la troisième séquence, la salle est plongée dans l’obscurité et l’un des murs est paré de radiocassettes, type « boombox » tandis qu’une ligne du temps numérique est projetée sur l’autre. Une réplique de boombox permet aux visiteurs de parcourir les stations radio de chaque période et d’écouter des émissions ou des morceaux qui étaient diffusés cette année-là. La ligne du temps propose chaque fois un petit texte explicatif pour accompagner chaque partie.

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Dispositif de médiation sur la radio. ©Marie Thérasse

 

Un second dispositif se focalise sur la reconnaissance du style grâce aux paroles. À la fois interactive et pédagogique, la médiation proposée permet de bien comprend les caractéristiques grammaticales du rap. Dans un autre registre, les visiteurs peuvent également s’essayer à la pratique du graffiti en taguant virtuellement sur un écran. L’objectif ? Graffer un maximum de lieux de la carte sans se faire attraper par la police.

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Écran avec médiation sur le graffiti. ©Marie Thérasse

 

Enfin, trois dispositifs sont placés dans la dernière salle et permettent aux visiteurs de se familiariser avec la production musicale et de mieux en comprendre les caractéristiques. Les visiteurs peuvent manipuler une table de mixage ou encore un tourne-disque mais les consignes sont assez confuses : « Sélectionnez un titre et comparez les samples utilisés ». Nul ne sait sur quoi la comparaison doit se baser. Sur ces dispositifs, il faut admettre que la médiation ne fonctionne pas. Pourtant l’idée était plutôt bonne mais le concept est à revoir. Une chose est sûre, ce n’est pas à travers la médiation que l’exposition marque le plus les esprits. Elle a toutefois, le mérite d’exister et dispose d’un beau potentiel qu’il aurait été intéressant d’exploiter plus en profondeur en s’attardant davantage sur les instructions.

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Dispositif de médiation sur les samples. ©Marie Thérasse

 

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Dispositif de médiation sur le mixage. ©Marie Thérasse

 

Marie Thérasse

Pour aller plus loin :

#hiphop #philharmonie #immersif