L’exposition « Icônes, trésors de réfugiés » au château des ducs de Bretagne  jusqu’au 13 novembre 2016

Affiche de l’exposition « Icônes, trésors de réfugiés ». Source : nantes.maville.com

 L’exil grec

L’icône comme porte d’entrée dans l’Histoire grecque

Cette exposition place les icônes orthodoxes (une petite peinture sur bois d’un saint ou d’une sainte, vénérée dans la religion orthodoxe) au centre de la problématique de l’exil des grecs d’Asie Mineure au début du XXème siècle.

2 1 0Dès l’introduction, des photos évoquent le départ des grecs de l’empire ottoman. L’histoire est complexe et peu connue du grand public, c’est pourquoi à chaque début de séquence une vidéo présente l’évolution du contexte politique et des flux migratoires entre les différents territoires.

Un bref récapitulatif replace la situation des grecs en méditerranée orientale, principalement en Turquie. Une succession de conflits (guerre des Balkans, Première Guerre mondiale et guerre gréco-turque) vont redéfinir la carte des Etats et conduire à des déplacements de populations importants.

Carte des expulsions et déplacement des populations entre la Grèce et la Turquie de1830 à 1924. Source : cybergeo.revues.org

Au plus près des icônes

Recréer les iconostases

La scénographie très réussie accueille le visiteur par une vierge episkepsis (c’est une vierge à l’enfant qui est synonyme de protection et de refuge : une thématique qui fait écho dans l’exposition) en mosaïque et des photographies de départs demigrants. Le lien est ainsi posé entre l’icône et le départ.

3 6Au plan esthétique, les icônes sont mises en valeur dans toute leur richesse avec un espace sur fond rouge et une lumière ciblée. Des cartels à mi-hauteur (qui ont la capacité de s’effacer suivant la perspective) nous présentent la particularité de chaque saint et sainte représenté. Au centre, une bulle scénographique place le visiteur dans une relation intime avec l’objet placé dans des alcôves dorées. Le but est de recréer les iconostases ; ces murs d’icônes qui ornent les maisons et églises des chrétiens orthodoxes. Le lien avec la religion et leculte de l’icône est très important à comprendre au début de cette exposition.

Première salle sur les icônes. Source :nantes.maville.com

Les icônes traversent les conflits

Du conflit à l’intégration : l’icône pour rebâtir

Puis, c’est la « Grande Catastrophe », le traité de Lausanne en 1923 est clair, les ressortissants grecs et turcs doivent regagner leur pays d’origine. Des flux de migrations importants commencent de manière plus ou moins violente. L’épisode est raconté par des lettres mises en relation avec une carte de Smyrne (ville stratégique au bord de la mer Egée qui comptait plus de grecs que de turcs). Ce conflit est aussi raconté du point du vue des grandes puissances occidentales à travers des extraits et des journaux originaux, comme le célèbre Excelsior.

Titres des journaux internationaux à propos du conflit gréco-turc. Source : C.Daban

4 1Est ensuite abordée l’arrivée en Grèce des nouveaux immigrés, ce qui n’a pas été simple. Certains ne parlent pas la langue, on ne leur laisse pas le choix de leur nouveau lieu d’intégration, et cela cause des tensions avec les populations juives et musulmanes anciennement majoritaires sur une partie du territoire. Quelques reproductions de photographies permettent d’expliquer ces évènements.

L’espace suivant évoque l’intégration de migrants grecs en France, où le visiteur saisit l’importance de l’icône avec laquelle  ils étaient partis et qui ont servi pour rebâtir des églises. La scénographie le plonge une nouvelle fois dans une très belle évocation de ces lieux de culte.

Beaucoup plus que des objets de culte

L’icône un symbole « à part »

5 1L’exposition se termine en tirant le fil de la place de l’objet aujourd’hui, et en montrant son changement de signification. Entre objets de culte et objets d’art, les icônes, admirées par des fidèles, obéissent à des règles théologiques, mais elles ont aussi une valeur historique, artistique et sentimentale. Tout cela en fait un objet « à part ».

Trois histoires à emporter sont disponibles au sein du parcours. Ces extraits nous permettent de garder unetrace du symbole que représentent les icônes, et de le transmettre à notre tour.

Espace sur la reconstruction et la transmission des générations futures de grecs orthodoxes. Source : C. Daban

 

Des icônes qui résonnent dans notre actualité

« Dans un monde où tout circule librement, le droit à la mobilité des êtres humains ne va pas de soi »

Pour finir sur une note d’espérance ? ou interculturelle, une musique de Maria Farantouri et Zülfü Livaneli, San to Metanosti, Comme l’Emigrant (une chanteuse grecque et un compositeur turc qui travaille pour le rapprochement de leurs deux peuples) résonne à la fin du parcours, ainsi qu’une belle citation qui conclut notre découverte des icônes et de leurs rôles dans la fuite des grecs d’Asie mineure : « Dans un monde où tout circule librement, le droit à la mobilité des êtres humains ne va pas de soi. Il y a urgence à définir un droit international des migrants. C’est à ce prix que les mouvements migratoires ne seront plus considérés comme une menace par les uns et une utopie par les autres, mais enfin comme la clé d’un développement plus équitable. »[1]

Cette exposition présente non seulement une très belle collection d’objets d’art, mais tient aussi un propos historique très pertinent. Elle pose les questions encore actuelles du déplacement forcé de populations, de l’intégration des migrants, et de la reconstruction d’une identité grâce à des objets conservés pendant la fuite.

Charlotte DABAN

Pour plus d’informations : http://www.chateaunantes.fr/fr/evenement/icones


[1] Catherine Wihtol de Wenden. Le droit d’émigrer, CNRS Editions, 2013