Au 28 rue Gargoulleau de La Rochelle se trouve l’hôtel Crussol d’Uzès, construit sous Louis XVI. Cet imposant bâtiment, caché dans une rue semi-piétonne proche du port, abrite deux institutions qui habituellement sont radicalement opposées : l’Espace d’Art Contemporain, qui occupe le rez-de-chaussée, et le Musée des Beaux-Arts, installé depuis 1844 dans les deux autres étages. Une cohabitation intéressante qui permet de casser tous les préjugés sur les lieux d’accès à la culture et de diffusion de l’art. Cet article sera consacré au musée des Beaux-Arts.

 

Le Musée des Beaux Arts, chaleureux, accessible, et engagé.

Même si la porte fermée du deuxième étage intimide un tantinet le visiteur, l’accueil qui lui est réservé derrière celle-ci, est des plus appréciables. Lors de ma visite, deux agréables personnes me reçoivent et me donnent tout de suite des indications : le 2ème étage est réservé aux collections« permanentes », et le premier étage est consacré aux expositions temporaires d'art contemporain.

Elles me précisent aussi qu’il n’existe pas de livret explicatif gratuit de la collection, mais seulement une édition,disponible pour 10€.

Au deuxième étage, la visite se fait en deux temps. Dans la première partie, un chapeau introductif  informe que la collection s’est faite petit à petit par un groupe d’amateur d’art depuis 1841, grâce à des dons, des legs, et des achats à hauteur de leurs moyens, ce qui explique pourquoi la collection comporte en majeur partie des œuvres de 1840 à 1930.

Un deuxième texte explique au visiteur que la collection comporte plus de 900 œuvres, mais que l’espace d’exposition disponible ne permet pas de toutes les montrer. C’est pourquoi, l’exposition change tous les ans. La particularité de ces expositions, c’est qu’elles sont réalisées par une personne ou un groupe de personnes lambda(s) qui choisissent eux-mêmes le thème, les tableaux, et créent la scénographie. Ces personnes sont des acteurs de la vie Rochelaise, qui ne sont pas forcement initiés à l’art. Pour la sixième édition (du 06 septembre 2012 au 31 août 2013), c’est le Centre Technique Municipal qui a accepté cette mission. Le thème choisi a été « De l’ombre à la lumière… » à travers plusieurs sous thèmes : scènes quotidiennes, marines et pêcheurs, paysages, et portraits plébéiens. Une politique innovante de la part de la conservatrice Annick NOTTER qui a compris comment prendre en compte le public.

C’est à travers une centaine d’œuvres que le visiteur découvre sur différents thèmes des jeux de clairs-obscurs et un travail pictural de la lumière qui séduit tout un chacun. Il est donc surprenant, mais pas inintéressant, de trouver dans le même espace, une lithographie du XIXème siècle,  une huile sur toile réaliste de 1861, une peinture impressionniste de 1904, une sculpture de la fin du XXème, et une photographie de 1980, qui se complètent avec des notions autres que des liens chronologiques.

La visite est rapide et accessible à tous, et en plus, des espaces de repos sont idéalement positionnés en face des grands tableaux.

Salle Eugène Fromentin Crédits : M. T.

 

Dans la deuxième partie, de l’autre côté de l’accueil, on explore une salle sur Eugène Fromentin, un peintre rochelais qui a passé une longue période de sa vie au Maghreb, ce qui influença considérablement ses sujets et sa technique picturale. Ici l’organisation est un peu plus chaotique. Le chapeau explicatif sur cet artiste est à la sortie de la salle, ce qui n’est pas l’endroit le plus stratégique. En revanche, il est proche d’une banquette, et cela est important car ce chapeau est long. Mais il est facile à lire et essentiel pour comprendre la pièce, les œuvres et la mise en ambiance. En effet, pour immerger le visiteur dans une ambiance orientale, la scénographie propose un procédé poétique pour lier le public avec les œuvres et leur contexte. On est donc bercé par une  lumière tamisée et la banquette est recouverte de tapis colorés, ce qui nous plonge dans une atmosphère chaleureuse. 

Enfin, on accède à la dernière pièce de l’étage, où l’on retrouve le parti-pris de faire côtoyer des œuvres qui ne sont pas des mêmes époques. Cependant, la compréhension de cette salle n’est pas aisée : la plupart des œuvres n’ont pas de cartel, et aucun texte n’introduit à une quelconque problématique ou réflexion. C’est très dommage,car on aimerait savoir pourquoi une huile de Gustave Doré se retrouve entre une Vénus de 1904, une toile de Chaissac, et des paysages de Corot.

Quand l’art contemporain trouve sa place au MBA

Suite et fin de ma visite au premier étage, avec l'exposition temporaire et itinérante de Sylvie Tubiana, intitulée « Japons » qui était présentée du 19 octobre 2012 au 28 janvier 2013. L'exposition proposait dans un premier temps un travail photographique de l’artiste : suite à des choix d’estampes japonaises, celles-ci ont été projetées sur des corps nus de femmes agenouillées, suivi d’un travail de photographie de ces projections. L’aspect esthétique et le rapport au corps présent dans ces photos sont déjà à eux seuls d’un intérêt particulier, mais les photographies étaient également confrontées à de vieilles estampes japonaises, issues de la collection du musée de la Roche-sur-Yon. La collaboration continuait avec des vitrines montrant divers objets nippons très anciens. Dans les dernières salles, des installations immergeaient le spectateur dans un environnement particulier, mêlant toujours l’ancien et l’actuel. Le dépaysement est total, on oublie le lieu, l’hôtel Crussol d’Uzès, La Rochelle, le port. Nous voilà au Japon.

 

Exposition de Sylvie Tubiana, « Japons » Crédits : M. T.

 

Le musée des Beaux-Arts de la Rochelle (labellisé Musée de France) a donc très bien intégré l’art contemporain au sein de ses murs, en lui donnant une place importante, et non en lui laissant la place d’une statue dans une cour pour intriguer le passant et essayer d’être attractif (comme dans beaucoup de MBA qui prétendent s’ouvrir à l’art contemporain). La moitié du musée est consacrée à l’exposition d’art contemporain. Et quand cela s’ajoute à une politique d’accessibilité à tous (plein tarif à 4€, expositions collaboratives réalisées par les citoyens, lycéens, agent de la mairie, association…), enfin on peut dire qu’un musée est vraiment accessible et dynamique. Enfin un musée qui ne se sclérose pas et évolue avec son temps ! Et cela ne veut pas dire être rempli des derniers outils de médiation issus des nouvelles technologies. Le prochain effort à faire se situe du côté des publics handicapés, mais pour le reste, on a envie de savoir qui seront les prochains commissaires d’exposition, et on court voir la nouvelle expo au premier étage "Mille et un bols : hommage à un bol de thé indien" (du 15 février 2013 au 17 juin 2013).

Mélanie TOURNAIRE

Pour en savoir plus :

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