Dans les années 2000 la ville de Rodez a décidé de dédier un musée à Pierre Soulages, natif de la ville. Marc Censi, maire à ce moment-là, dut d’abord convaincre Pierre Soulages qui avait auparavant déjà refusé qu’on lui consacre un musée à Montpellier. À Rodez il n’accepta qu’à la condition qu’un espace de 500m2 soit réservé à des expositions temporaires consacrées à d’autres artistes, il en donne l’explication dans un article pour Geo Voyage :  

« Ce n’est pas une question de modestie : un musée d’artiste, on y vient trois ans, pas plus, et puis ça lasse… et le musée meurt. Je ne veux pas d’un mausolée Soulages ». 


Vue extérieure du musée © tourisme.grand-rodez.com  

 

Un artiste très impliqué dans la création de son musée

Le musée est donc dès ses débuts fortement marqué par la volonté de Pierre Soulages dont l’implication a rendu possible la création du musée. Au-delà de sa participation à la définition du concept, il s’est aussi engagé sur le plan matériel. Cette donation initiale de 250 œuvres et 250 documents en 2005 a vraiment marqué la concrétisation du projet du musée. La collection est enrichie ensuite en 2012 par une autre donation et par des dépôts de l’artiste. Au total il a donné 500 œuvres à la ville. Quand il est question de la très grande valeur des donations, (évaluées à une trentaine de millions d’euros) Pierre Soulages répond qu’il ne s’intéresse pas aux questions d’argent et que justement il aime l’idée qu’un public large puisse apprécier son travail. C’est aussi en lui proposant d’exposer des aspects moins connus de son travail que Marc Censi a convaincu Pierre Soulages. L’exposition permanente actuelle présente ainsi ses œuvres de gravure et les travaux préparatoires des vitraux de Conques, mettant ainsi le musée en lien avec un autre lieu emblématique de la région.


Présentation de son travail de gravure © Salambô Goudal 

 

Le musée comme moteur de développement local

Comme de nombreuses villes Rodez a misé sur la création d’un nouveau musée pour entrainer le développement local grâce à l’accroissement espéré du tourisme. Le plan de redynamisation du centre-ville impulsé en parallèle de la construction du musée fait partie de cet effort en faveur du tourisme, d’où les travaux urbanistiques, notamment la rénovation et le développement du parc du Foirail qui borde le musée.

L’importance du public touristique pour le musée est visible dans les horaires du musée dont l’amplitude est plus élevée en été. Du 1er juillet au 31 août le musée est ouvert tous les jours, le lundi de 14 heures à 19 heures et de 10 heures à 19 heures du mardi au dimanche. En revanche, entre le 1er octobre et le 31 mars le musée ferme le lundi, entre midi et deux heures en semaine et le soir à 18 heures.  

Les habitants de Rodez et sa région sont un public à ne pas négliger puisque le musée se veut comme un lieu de vie, volonté partagée par de nombreux musées. Les Ruthénois ne sont en effet pas oubliés, outre les bénéfices qu’ils retirent des aménagements du centre-ville et de l’accroissement du tourisme, le musée enrichi la vie culturelle de la région.

Les espaces du musées permettent d’accueillir les œuvres d’artistes très connus et d’en faire profiter la population locale. C’était le cas de l’exposition Picasso à l’été 2016, dont le public venait majoritairement d’Occitanie. Le musée participe également à la vie locale par les visites et activités qu’il propose aux scolaires et groupes issus du secteur social.

 

La visite du musée

Comme de nombreux visiteurs, je suis allée au musée Soulages en m’attendant à retrouver des peintures noires, ses œuvres les plus connues du grand public. Je pensais à peu près savoir à quoi m’attendre en entrant dans un tel musée ! J’ai été au contraire agréablement surprise par la diversité des œuvres exposées. Dans le parcours permanent sont exposées des œuvres des différentes pratiques de Pierre Soulages, les travaux de préparation des vitraux de Conques, ses eaux-fortes et enfin ses tableaux.

Le parcours mêlant chronologique et thématique, permet de bien appréhender la personnalité et les œuvres de l’artiste dans l’ensemble qu’elles composent, sa longueur est adaptée aux propos et agréable.Pourtant, je n’ai pas pu l’apprécier pleinement, je me suis très rapidement sentie oppressée par l’atmosphère du lieu crée par l’architecture et la scénographie. De nombreux espaces de l’exposition temporaires sont semblables à des boites noires : très sombres avec peu de hauteur de plafond, ce qui crée une ambiance, pensée pour les œuvres de Soulages, mais construit des espaces très fermés qui ne proposent pas de respiration. De tels espaces posent donc la question de l’arbitrage entre immersion dans un univers et bien-être des visiteurs. Les espaces latéraux présentant les grands tableaux gardent la même ambiance tout en étant moins oppressants grâce à leur grande taille et à la présence de fenêtres. 


Les espaces « boîtes noires » © tourisme.grand-rodez.com

 

En entrant dans l’exposition temporaire de l’été 2017 consacrée à Alexander Calder, le contraste est saisissant que ce soit par le fond comme par la forme. Dans l’espace dédié aux expositions temporaires les œuvres souvent très colorées d’Alexander Calder étaient exposées dans un espace entièrement blanc. Ce contraste peut être bénéfique en mettant en valeur les spécificités des deux artistes présentés dans le musée. Vraie plus-value pour le musée, le contraste crée par les deux expositions temporaires par an permet de maintenir l’intérêt du public et de le faire revenir au musée.


L’exposition Calder © Salambô Goudal

Le musée est un franc succès : il réussit à montrer les œuvres de Pierre Soulages sans être un mausolée et à être un pôle d’attraction dans la région, en septembre 2016 un peu plus de deux ans après son ouverture la barre du demi-millions de visiteurs a été franchie ! 

 

Bethsabée Goudal

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