Exposition temporaire du 17 avril au 10 novembre 2013 dans la Galerie des Jouets du Musée des Arts Décoratifs

Winshluss Un monde merveilleux. Voilà un titre d'exposition prometteur.Un titre qui fait rêver et qui laisse au visiteur le loisir de s'imaginer ce que peut être pour lui un monde merveilleux. Maisson monde merveilleux sera forcément bien différent de celui qu'il va découvrir dans la Galerie des Jouets du Musée des Arts Décoratifs car ce qu'il va découvrir c'est le monde merveilleux de Winshluss et l'on ne peut se faire une idée de la teinte de son monde et de toute l'ironie du titre de l'exposition à moins de connaître son œuvre.

Winshluss, alias Vincent Paronnaud, est un artiste puisant ses sources d'inspiration dans le monde de l'enfance. On retrouve dans ses œuvres de nombreuses figures de la culture populaire par exemple dans son film d'animation Persépolis,primé du Prix spécial du jury du Festival de Cannes en 2007, ou dans sa bande-dessinée Pinocchio,primée du Fauve d'Or (Prix du meilleur album) au Festival international de la bande-dessinée d'Angoulême en 2009. Cependant ses inspirations et emprunts sont toujours traités et détournés au service d'un discours grinçant, cynique, voire même macabre, tout en étant humoristique. On retrouve inévitablement ces deux aspects dans l'exposition Winshluss Un monde merveilleux qui nous (re)plonge dans l'univers particulier de l'artiste et dans une réflexion sur la société dans laquelle nous vivons.

 

Un monde haut en couleur ?

Brochure de l'exposition Winshluss Un monde merveilleux Crédit photographique : C. D.

 

Avant de franchir les portes qui le conduiront dans l'exposition, le visiteur dispose de trois éléments qui peuvent lui permettre d'imaginer le monde dans lequel il va être transporté : le titre, la brochure et le cartel de présentation de l'exposition.D'abord le titre de l'exposition : Winshluss Un monde merveilleux. Une exposition qui serait donc haute en couleurs ? Un monde plein de gaîté, de paillettes, d'éblouissement ? Un monde de rêve ?

Dans l'esprit du visiteur c'est une première entrée dans l'exposition. Consciemment ou non le titre introduit dans l'esprit du visiteur une certaine attente plus ou moins guidée si le visiteur connaît l'univers de l'artiste. Puis la brochure de l'exposition : fond bleu, arc-en-ciel, petits nuages moutonnant, du jaune, du rose et un personnage tout droit sorti d'un univers de bande-dessinée. Mais un personnage à qui il manque une dent et dont les cheveux sont remplacés par des flammes. Étrange. Enfin le cartel de présentation de l'exposition situé avant les portes qui mènent dans l'exposition.

Un cartel dont la dernière phrase n'est pas sans susciter de nouvelles attentes et interrogations chez le visiteur : « Un monde merveilleux nous plonge dans des histoires qui, comme les contes, nous émerveillent tout en montrant la face cachée – et parfois noire – du monde ». Un monde merveilleux donc ? Peut-être pas tant que cela... Pour le savoir il faut pousser les lourdes portes noires de l'entrée de la Galerie des Jouets. Immersion.

 

La découverte d'un monde

La Petite Fille aux Allumettes
Crédit photographie : 
Musée des Arts Décoratifs

Barbapatomic
Crédit photographique : Musée des Arts Décoratifs

 

Curieux de découvrir ce qu'elles renferment, on pousse les portes de la Galerie des Jouets. À peine a-t-on franchi le pas de la porte que l'on s'immerge totalement dans le monde de Winshluss. Est-on surpris ? Peut-être. Ce n'est pas un monde haut en couleurs, du moins pas seulement. Les cimaises sont noires. Le sol est noir. Mais les œuvres [jouets, sculptures, planches et dessins originaux, posters, affiches, revues, fanzines et dessins animés] sont toutes en couleur.

Des couleurs éclatantes. Du rose, du jaune, du vert, du bleu, du violet, du rouge. Les œuvres sont mises en valeur par un éclairage parfaitement maîtrisé et par le contraste avec le noir des trois salles qui les fait d'autant plus ressortir. Ce noir n'est pas sans faire écho à la noirceur du monde dont nous parlait le cartel de présentation de l'exposition. Un noir qui cache, qui camoufle, qui permet de mettre en lumière ce qu'on nous présente mais qui masque ce qu'on ne nous présente pas. À la première impression visuelle succède une impression sonore ou peut-être précède t-elle l'impression visuelle en fonction de l'attention première du visiteur.

Deux sons l'accueillent : une douce mélodie nous rappelant notre enfance et un brouhaha guerrier. Ces deux sons ne se mêlent pas mais se suivent l'un l'autre si bien que le visiteur, lorsqu'il entre, est accueilli par l'un ou l'autre des deux sons ce qui lui fait aborder l'exposition différemment. Ou il est accueilli en douceur par une mélodie rassurante auquel cas il porte instinctivement son regard sur le rose du Barbapatomic [premier diorama de l'exposition]. Ou il est plongé dans un tumulte guerrier qui lui fait porter son regard plutôt sur l'armée qui se bat contre le Barbapatomic. Certains visiteurs sont donc immédiatement confrontés à la dureté du monde dépeinte tout au long de l'exposition alors que d'autres y sont amenés plus en douceur, mais resteront de ce fait peut-être influencés par cette douce mélodie, tout comme certains enfants restent influencés parle monde de leur enfance parce qu'on leur a présenté de cette façon.

 

Une scénographie au service d'un discours

Lorsque l'on sort de la Galerie des Jouets, on sort d'un univers, et tout paraît vide parce que l'on n'est plus en présence de l'atmosphère créé dans les trois salles de l'exposition si bien que l'on a envie de revenir sur nos pas. On ressent ce changement d'atmosphère car la scénographie est en phase avec le discours. Le lien entre les deux est net : la scénographie devient une partie du discours.

Le visiteur s'immisce d'autant plus dans le monde de Winshluss puisqu'il regarde les œuvres en étant porté par la scénographie qui l'aide à comprendre les messages de l'exposition car elle met en lumière les œuvres et l'oblige à les regarder, les interroger, les analyser, les comprendre. Comprendre que le monde de Winshluss n'est pas Un monde merveilleux comme le suggérait le titre de l'exposition, mais un monde que l'on veut nous faire croire merveilleux alors qu'il ne l'est pas. Il n'y a pas seulement du noir sur les cimaises mais aussi dans les œuvres, sous les couleurs, et si l'on met en lumière les œuvres ce n'est que pour mieux faire ressortir leur noirceur. Et que se cache t-il sous la noirceur des cimaises ? Un peu de couleur ?

C. D.