La nouvelle exposition de Centre Régional de la Photographie de Douchy-les-Mine, intitulé « Resilient Images », nous transporte le temps d’une visite. Elle raconte l’histoire d’une résidence croisée, de deux artistes, deux sensibilités, regards étrangers ; en immersion dans deux anciens territoires industriels. Justine Pluvinnage, réalisatrice, artiste vidéaste lilloise et David Schalliol, sociologue et photographe de Chicago, nous offrent le résultat artistique de leur regard,posé sur la terre de l’autre.

FM Suprême, « Amazones »,2017
Coproduction CRP/et Hyde Park Center ©Justine PLUVINNAGE 

 

Lauréats du programme de résidence« Resilient Images », David Schalliol a réalisé deux séjours de résidence dans les hauts de France et Justine Pluvinnage est partie deux mois explorer la ville de Chicago.

Un échange de part et d’autre de l’atlantique entre le Hyde Park Center de Chicago et le Centre Régional de la Photographie de Douchy-les-Mines, autour d’une thématique forte : la Résilience. Ce mot faisant référence à la capacité d’une matière, d’un espace à reprendre sa forme initiale, après avoir subi un choc. Un clin d’œil au passé industriel sidérurgique de ces deux territoires.

Les artistes questionnent notre place dans l’héritage industriel et culturel, puisque leur création est guidée par le rapport entre l’Homme et le territoire.

L’exposition prend forme en deux espaces présentant successivement le travail photographique de David Schalliolet l’installation vidéo de Justine Pluvinnage.

Le premier espace d’exposition est de forme cubique autour d’un tronc central. Sur ce fond blanc, les photographies aux couleurs plutôt foncées, ressortent par îlots puisqu’ accrochés par série. Ce qui créé un contraste car le second espace, bien plus petit et plus sombre, nous plonge dans une ambiance particulière. Deux espaces plutôt immersifs, dépourvus de texte, seul l’image joue le rôle de médiateur entre le visiteur et l’artiste ce qui fonctionne étrangement bien. 

 

Les images de David Schalliol

©David SCHALLIOL – Vue partielle de l’exposition « Resilient Images »

 

Sociologue de formation, son étude des communautés est fortement liée à sa création. Il questionne la résilience des territoires à travers la réappropriation des lieux par les habitants. Il met en exergue ces lieux de l’industrie passé à travers leurs nouveaux usages et la manière dont l’activité humaine a changé ces espaces.

Sa série de wagonnets marque le décalage entre l’usage d’origine et l’usage actuel de l’objet. L’artiste joue sur l’objet mémoire confronté à l’objet décoratif questionnant le rapport à l’héritage.

Mais c’est son travail sur les habitants qui est sans doute le plus significatif. Il les confronte à leurs espaces de vie emprunts d’une activité passé. Nouveaux terrains de jeux, de chasses, de soirées, il montre comment l’homme a réinventé le territoire industriel, le façonnant au gré de ses activités.

Déambulant dans l’espace d’exposition, le visiteur est intrigué par ces séries qui prennent une dimension particulière comme si elles tentaient de nous parler, de nous présenter des personnes. David Schalliol a réalisé de véritables portraits des habitants du nord en allant directement à leur rencontre, brisant toute barrière linguistique, révélant des personnalités singulières au cœur de leur territoire. Il a créé une relation d’empathie avec ces sujets ce qui donne à ces portraits une autre dimension peut être plus sociale, allant au-delà du simple effet documentaire. Une tension est alors palpable entre le personnage et son espace de vie, racontant une histoire particulière, celle de la résilience de ces territoires montrant la résistance à un choc : celui de la disparition d’une activité. L’artiste nous présente alors la fierté de ces habitants à habiter ces lieux dont on pensait l’existence terminée. 

 

Les images de Justine Pluvinnage "Amazones" 

©Justine PLUVINNAGE – Vue partielle de l’exposition « Resilient Images 

 

Ce voyage en territoires industriels continue de se déployer sous les yeux du visiteur mais cette fois, sous forme d’images animées. Nous voilà de l’autre côté de l’atlantique, aux states, à Chicago dans une ambiance plus que singulière. L’installation vidéo de Justine Pluvinnage se compose de trois écrans synchronisés qui diffusent des images de femmes marchant sur un fond musical au rythme étrange dont les basses donnent toute la puissance à la création. Immersive,cette création éveil notre ouï en plus de notre vue, redynamisant l’exposition.En effet elle créé une séparation entre l’espace de déambulation autour des œuvres de David Schalliol, pour stopper le visiteur face à la vidéo.

Impossible de décoller les yeux de ces trois écrans, d’où se dresse le portrait de huit femmes, guerrières des temps modernes. Ce n’est pas anodin si l’artiste a nommé son œuvre « Amazones », elle met en image et en mot le caractère spécial de ces femmes. Huit fortes personnalités, toute combattantes pour la paix, réalisant comme une performance. En marchant vers nous, elles revendiquent le droit d’exister à travers une manifestation politique personnelle. La démarche, le regard, le cadrage, tous les détails nous plongent dans un univers étrange et théâtral, comparable à celui d’un vieux western.

Activiste pour la paix, bodybuildeuse, poétesse-rappeuse, artiste atteinte d’alopécie, performeuse voguing…. elles illustrent la résilience montrant la capacité d’un individu à surmonter un traumatisme. Justine Pluvinnage met en image l’émancipation de ces personnalités dans un contexte socio-économique complexe où violences et injustices font partie intégrante de la réalité. Justement, l’artiste présente en arrière plan,les différents quartiers de la ville auxquels ces femmes donnent littéralement corps à travers leur façon de marcher ou de danser. Elle travaille le corps dans l’espace et la manière dont celui-ci agit, prenant possession de l’espace publique. C’est le territoire et son passé que ces femmes ré-enchantent. Elles réinventent la ville en existant à travers la différence, utilisant leur activité, leur comportement et leur combat comme une arme défiant tous les espaces de la ville.

Si le visiteur a eu la chance de parcourir la ville de Chicago, alors, l’émotion est d’autant plus poignante.  Cette installation se vit comme une expérience. Elle ne laisse pas indifférent !

David Schalliol et Justine Pluvinnage ; par le biais de cette exposition révèlent une sorte de mécanisme vital de l’individu, celui de se réinventer face aux bouleversements de son territoire de vie. Mécanisme psychanalytique pensé par les Anglossaxons, vulgarisé en France par Boris Cyrulnik.

Le corps, en mouvement ou en portrait est acteur de l’œuvre, ce qui donne à l’exposition toute son émotion.

Un voyage surprenant dont on ressort, tremblant, bouleversé et en même temps remonté à bloc ! 

Justine Faure

#résilience 

#territoire 

#habitant

Pour en savoir plus : www.crp.photo/exposition/david-schalliol-et-justine-pluvinnage/