« Grosse chaudasse », « pute », « sale chienne », « dégueulasse»… et évidemment, « salope ». C’est ce que réunissait l’exposition « Salope ! Et autres noms d’oiselles » à Paris du 29 septembre au 18 octobre 2017 pour une seconde édition, menée par Laurence Rosier, linguiste et écrivaine.

 

 « Salope » ©Eric Pougeau, 2001

A la Fondation Maison des sciences de l’homme, l’exposition mettait l’accent sur un mot, ce mot : salope.

Archétype de l’insulte, ce mot suggère la saleté, la malpropreté, la répugnance, et vise directement les femmes, dites alors « femmes débauchées aux mœurs dépravées » selon la définition officielle. Une insulte qui s’attaque donc à un comportement jugé inapproprié dans une société hautement hypocrite, pensée par des hommes et pour des hommes.

Autour de ces insultes, aux systématiques références sexuelles révélatrices, huit artistes étaient réuni.e.s : Cécilia Jauniau, Sara Júdice De Menezes, Tamina Beausoleil, Martine Seguy, Christophe Holemans, Lara Herbinia, François Harray et Eric Pougeau.

Huit artistes autour de six figures féminines publiques : Marie-Antoinette, George Sand, Simone Veil, Margaret Thatcher, Christiane Taubira et Nabila Benattia.

On peut se demander : quel est le rapport entre Marie-Antoinette et Christiane Taubira ? Entre George Sand et Nabila ?! Une seule réponse : toutes ont été humiliées sous une déferlante d’insultes sexistes.

La mère est la putain

©Tamina Beausoleil

 

Avez-vous déjà remarqué qu’il n’y a pas d’équivalent masculin au mot « salope » (à ne pas confondre avec « salaud », ayant lui aussi son féminin désuet « salaude »), ou au mot « putain » ? Et, avez-vous aussi déjà remarqué qu’on compare plus souvent les femmes que les hommes à des animaux ? Elle est un thon,une morue, une dinde, une chienne, ou encore une cochonne.

Même lorsqu’on veut insulter un homme, un « fils de pute » nous échappe. Et on se retrouve à insulter sa mère.

Cette réflexion est au cœur des problématiques de l’exposition, qui seveut résolument scientifique, artistique et éducative. Pour Laurence Rosier, il s’agit de « proposer une réflexion en miroir sur l’insulte, à partir d’un choix de figures controversées et mises en regard d’œuvres contemporaines qui interrogent les tabous, la transgression et la féminité ».

 

Pourquoi insulte-t-on ?

Cette vaste installation entend susciter chez le visiteur une réflexion sur les libertés, les normes, les règles du vivre-ensemble ainsi que sur les discriminations, non seulement sexistes, mais aussi racistes et sociales.

Mathieu GOLINVAUX ©EdA

 

A travers les différents travaux des artistes, mais aussi à travers la scénographie, on passe de figure en figure, d’insulte en insulte. « Grosse vache pleine d’encre », écrit Flaubert à propos de Georges Sand. « Guenon », scande la foule à Christiane Taubira. « Garage à bites », dit-on de Nabila.

Mathieu GOLINVAUX ©EdA

 

Puis les portraits de femmes (libres) de Lara Herbina. Des amazones aux Femen pour référence, on peut lire en ces portraits une certaine forme de réappropriation politique de ces insultes. Affirmer ce qu’on est pour contrer ce que l’on dit de nous.

On peut y lire une autre référence : celle du Manifeste des 343, paru dans Le Nouvel Observateur en 1971, présentant la liste de 343 courageuses femmes ayant signer le manifeste « Je me suis fait avorter ». Au lendemain, Charlie Hebdo publiait sa une : « Qui a engrossé les 343 salopes du manifeste sur l’avortement ? »… Charmant.

Alors est arrivé une nouvelle dimension aux insultes : le positionnement.

 Femmes libres, capture d’écran vidéo ©Lara Herbina

 

« Aux États-Unis, Madonna a réussi à se réapproprier les termes de "slut" et de "bitch" avec brio, pourquoi ne pas le faire en France ? », livre Laurence Rosier. Effectivement sont apparus des mouvements comme le « slut walk », soit littéralement « marche des salopes » en français, notamment en 2011 au Canada où des femmes marchaient, fièrement, protestant contre le viol, les violences sexuelles, la culture du viol et la stigmatisation des victimes (appelé aussi « slut shaming »). Il faut alors y lire une ironie qui en dit long, l’ironie de culpabiliser les victimes de viol, en utilisant des termes comme « elle s’est faite violer ». Faux. Elle A ÉTÉ violée.

Une violence verbale, une violence orale constamment vécue, au quotidien, par de nombreuses femmes. Voilà ce que cette exposition a voulu démontrer.

Fin du parcours. On arrive au « mur de la honte », sur lequel chacun pourra inscrire de nombreuses insultes insoutenables, trop employées,trop entendues. De quoi bien se défouler et s'interroger sur le pouvoir des mots.

Puis avant de partir, on frôle le lit en porcelaine conçu par Sara Júdice De Menezes. Un lit défait et immaculé, prêt à accueillir, prêt à réchauffer toutes ces « salopes » trop souvent citées.

©Laura Herbina

Car encore aujourd’hui, beaucoup sont sceptiques quant au féminisme : « on n’en a pas besoin en France » entendra-t-on. Rappeler ces insultes, c’est rendre public le sexisme ordinaire.

J. Parisel

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