J’aimerais raconter une découverte de mon apprentissage : le travail en Openspace.

Openspace© Méline Sannicolo

 

Dans mes expériences précédentes, j’ai eu un bureau solo ou un bureau partagé à deux, mais jamais d’Openspace. Selon sa définition première, un Openspace est un espace ouvert où les bureaux ne sont pas séparés par des cloisons. Pour cet article nous considèrerons que l’on parle d’Openspace à partir de trois personnes dans un même bureau.

L’Openspace est apparu en France dans les années 80. Son but est de faire gagner de la place et du temps. Ainsi, alors que les cadres avaient souvent leur bureau individuel, bien à part du reste du service, les Openspace avec leur moquette et leur éclairage néon un peu blafard, voient le jour et offrent des espaces totalement modulables en cas d’évolution de l’entreprise.

Cette organisation peut avoir des avantages : le gain de temps est important car en posant une question à un collègue du même bureau, la réponse est immédiate, la communication est instantanée et plus fluide. Le travail en équipe est aussi facilité par cette proximité. Mais cette organisation présente également de nombreux inconvénients et le premier d’entre tous est paradoxalement la perte de temps. En moyenne, un salarié serait dérangé toute les 11min (David Rock, « Votre cerveau au bureau »). Entre les questions des collègues, les coups de téléphone, les discussions des autres collègues entre eux, etc. Le fait d’être autant dérangé augmenterait d’ailleurs le stress des salariés ce qui accentuerait l’inefficacité.

 

Retrouve-t-on les mêmes avantages et inconvénients dans une institution culturelle ?

Ce qui suit est une brève analyse non exhaustive faite à partir des expériences de huit de mes camarades, qui ont bien voulu répondre à mes questions. La moyenne est d’environ cinq personnes par bureau, allant de 3 à 14 pour le plus grand Openspace. Les personnes interrogées travaillent dans des services d’expositions ou bureaux de médiation, dans des institutions muséales ou des centres d’art contemporain.

L’idée de convivialité est souvent revenue dans les réponses : partage, bonne humeur, ce qui suppose néanmoins une bonne entente avec les personnes du bureau car dans le sens inverse, le fait de partager un espace exacerbe les tensions. L’autre avantage qui ressort est le partage de l’espace comme vecteur de rencontre des personnes de l’institution, de discussions avec les autres services et d’être plus au courant de ce qui se passe dans le musée. Cela permet des échanges sur les différents projets, qui n’auraient peut-être pas lieu autrement, et qui peuvent amener à de nouvelles réflexions, un partage d’expérience ou de références etc. Pour celles qui travaillent en équipe, le gain de temps est flagrant quand il ne faut pas passer par le téléphone ou le mail.

Mais de nombreux problèmes liés à l’Openspace ont aussi été soulevés, comme le bruit et la déconcentration (entre le téléphone, les discussions entre des personnes qui parlent fort, ceux qui rigolent, ceux qui font la discussion sur la météo etc.). Le revers de la médaille est que nous aussi, pour nos échanges, il faut faire attention à notre propre bruit ! Si le chef du service est du genre à surveiller ou si les collègues ne sont pas toujours bienveillants ou aiment comparer et commenter, tout cela peut conduire à une impression de contrôle très désagréable : tout le monde sait ce que tu fais, combien de temps tu vas à un rendez-vous, ce que tu dis à un prestataire par téléphone, combien de temps tu mets pour manger, à quelle heure tu pars le soir etc. Et dans les cas où ton bureau sert parfois à d’autres personnes, l’ordinateur peut être fouillé : l’historique internet ou dans les documents ou notes qui se trouvent sur le bureau… rien de très agréable et peu de confiance.

D’autre inconvénients comme des besoins différents entre collègues (lumière, musiques etc.) ou les différents savoirs vivres (pour la propreté, le rangement, etc.) peuvent également donner lieu à des tensions et même dans les mauvais jours, il est quand même nécessaire de parler, de faire la discussion avec les collègues etc. Les fournitures sont parfois à l’origine de certains problèmes. Dans certains cas, les fournitures sont à partager : quand il s’agit des stocks de papiers ça va, mais lorsqu’il faut partager un téléphone, un ordinateur c’est plus compliqué ! Parfois, les fournitures sont individuelles, il n’est pas impossible de voir disparaitre ciseaux, stylos etc. parfois même du papier toilette. Le dernier cas de figure rencontré est de devoir amener son propre matériel, son ordinateur, ses stylos, car la structure ne fournit rien, souvent pour une question de coût.

Les espaces d’Openspace, bien que modulables sont souvent trop petits pour accueillir plus de salariés, si bien que plusieurs d’entre nous ont du mal à accéder à leur bureau sans embuche. Des bureaux prévus pour trois accueillent finalement plus de personnes : espaces trop fournis en meubles, en décorations et donc visuellement très chargé, créant du stress supplémentaire.

Depuisles années 80, les pratiques et les idées ont changé et de nombreuses études ont été menées pour savoir comment rendre le travail le plus efficace possible. L’idée de « bien-être » au travail est un concept qui est de plus en plus présent, surtout pour les Start-Up ou pour les grandes multinationales « cools ». L’idée est de se sentir bien au travail, mais ce n’est pas de bonté d’âme : les personnes travaillent de plus en plus, les cas de burnouts se multiplient. Les entreprises cherchent à augmenter l’efficacité des salariés pour pouvoir en réduire le nombre. Ceci explique cela. Ces entreprises présentent de nouvelles tendances. Le bureau partagé est toujours là, mais une multitude d’autres pièces sont ajoutées, permettant de nouvelles pratiques : salle ou box pour des réunions, salles pour téléphoner sans déranger les autres ou être dérangé ; salle de repas, salle de repos, salle de jeux...

Ces espaces rythment le travail en offrant un lieu pour chaque type d’action. Les lieux comme la salle de repos permettent de s’isoler. Les lieux communs, comme la salle de repas, ou l’espace café, sont des espaces associés à un temps précis hors du travail. Cela favorise la cohésion de groupe et créer un sentiment d’appartenance. Il s’agit de rites d’entreprises importants pour maintenir leur bon fonctionnement, comme le souligne l’anthropologue Jean-Pierre Jardel. La présence de plantes, de matériaux naturels (meubles en bois etc.), est aussi encouragé afin d’améliorer la qualité de l’air et donner un air plus « naturel et sain ». L’entreprise Nestlé a même rajouté un espace avec des animaux, car la présence de ces derniers réduirait le stress et renforcerait la cohésion d’équipe.

 

Retrouve-t-on ce genre de pratiques et pensées dans les institutions culturelles ? 

Une seule de mes camarades, dans un centre d’art contemporain, travaille dans un espace multiusage avec des bureaux, une cuisine, un espace de repos. De plus, les tables sont amovibles et donc peuvent être déplacées et utilisées selon les besoins (grandes réunion, entretiens d’embauche etc.) Souvent tout de même, un espace pour manger ou boire un café, existe mais parfois le repas se prend dans son bureau, par manque d’espace dédié. Dans une autre institution, des canapés sont mis à disposition, dans un coin de l’Openspace. Donc nous ne sommes pas tout à fait dans des dispositions énoncées auparavant, d’un espace dédié pour chaque activité mais des aires de repos ou de repas existent malgré tout.

L’enquête a révélé la récurrence d’un environnement agréable. Seulement, le côté « sain » n’a pas été soulevé, contrairement à la notion d’espace « personnalisé ». Pour commencer, les institutions culturelles se trouvent souvent un cadre particulier, avec de beaux paysages, de beaux bâtiments. Ainsi les beaux paysages à travers la fenêtre, une grande luminosité etc. ont toujours été mentionnés avec beaucoup d’entrain. C’est vrai qu’il y a pire que de voir le château d’Azay-le-Rideau ou le Jardin des Plantes de Paris, à travers sa fenêtre. Il s’agit de lieux privilégiés. A l’inverse, les environnements froids, mal isolés, sans lumière directe ou sortie directement vers l’extérieur, sont aussi ressorti de l’enquête, comme étant des lieux moins sympathiques, mais rendu agréables par la décoration.

Car oui, la décoration est un autre grand enjeu pour se sentir bien : certaines ont créé des décorations personnalisées par exemple avec des affiches, des photographies ou des éléments ramenés de chez soi ou de son travail précédant. Parfois les bureaux sont déjà décorés ou aménagés, parfois avec des matériaux pour isoler du bruit, avec des images du bâtiment ou des éléments d’anciennes expositions. C’est la vraie particularité des espaces de travail de lieux d’exposition : une multitude de choses sont gardées des expositions qui ont déjà eu lieu et ainsi cartels, affiches, éléments de scéno, des panneaux ou photographies faites en interne, font offices de décoration et donnent un cachet particulier. Le fait que la décoration se rapporte très souvent au monde des expositions ou plus largement au monde « culturel », montre une identification au groupe précis des « personnes qui travaillent dans la culture » et pourrait être qualifié de rite de marquage ou de reconnaissance, par Jean-Pierre Jardel.

Voilà, ce petit plongeon dans nos quotidiens d’apprentissage est terminé. Loin d’être exhaustif, cet article a voulu mettre en avant nos ressentis sur ces lieux où l’on passe, tout de même, une grande partie de notre temps !

 

Méline Sannicolo

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