Je ne sais pas vous, mais les musées, moi, je n’en peux plus. Trève de black box et de white cube, fini la scénographie immersive, je ne veux plus entendre parler de musées : je vais dehors me balader et prendre l’air.

Je vais dehors, en ville, m’imprégner de la culture urbaine. En passant rue Curiol, je suis en bas du conservatoire, j’y entends du violon pendant qu’en contrebas des gamins passent des basses sur leurs portables, je continue mon chemin et j’arrive rue Boris Vian : ça y est je suis dans la rue de la bibliothèque et je m’engouffre dans les boyaux marseillais qui serpentent derrière le cours Julien.

Je parle de boyaux car on y voit des tripes sur les murs: des personnes qui y ont projeté la rencontre sérigraphiée du troisième type entre une tortue géante et un plongeur, des squelettes bien vivants qui dansent sur les murs d’un bar. Je me sens bien ici, au milieu de ces ruelles que les graffeurs ont parées de leurs peintures nitro alkyde ou d’acryliques. Plus loin je croise le regard d’un fakir et celui d’une femme qui allaite son enfant multicolore. Ici, ce sont des fresques spontanées, là ce sont des prises de parole intempestives qui surgissent dans les rues insoumises de Marseille. J’ignore pourquoi j’ai cet attrait pour le mur peint : les blagues qu’il me propose, les illustrations qu’il m’inspire…  j’ai l’impression que la ville est une pote plus qu’une amie, qui me fait rire, me fait penser, me fait divaguer.

 

Coline Cabouret Crew Dantès IMG11 sketch

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Changements d’échelles entre fresque et reste de sketch © CC

 

Mais pensez vous que la route s’arrête ici? Certes non, à l’aventure! Direction le Château d’If, fier bout de caillou dans lequel je ne pense pas que j’aurais aimé croupir. Depuis 1529 il est construit afin d’être une prison : contrôle du passage maritime et des penchants révolutionnaires marseillais..:  pour quelqu’un qui ne voulait pas s’enfermer! Aujourd’hui il est un bâtiment dirigé par le Centre des Monuments Nationaux, c’est un lieu de patrimoine où on aime se perdre pour mieux en explorer les recoins. Quoi de mieux alors que de se risquer dans les pas d’Edmond Dantès? Je m’évade peu à peu, en guettant les graffitis : vous me voyez venir, il y en a plein.

 

graffiti Château d'If

 

Graffitis sur le mur d’une geôle du Chateau d’If © CC

 

Bien entendu, il y a ceux des prisonniers, puis ceux des soldats, mais il y a aussi et surtout ceux des curieux qui viennent découvrir le Château d’If depuis son ouverture à la visite en 1880. Et en cherchant leurs marques, je finis par en trouver d’autres à l’air curieux.

 

mots d'angles

mots d'angles

mots d'angles

 

En levant les yeux, des mots-d’angles de David Poullard et Marie Chené © CC

 

Effectivement, de mai à novembre 2018, l’exposition “Un amour de graffiti”, prend place dans les geôles et sur les murs de l’ancienne prison. A la croisée des initiatives de MP2018 Quel Amour et de la saison nationale du Centre des monuments nationaux « Sur les murs, histoire(s) de graffitis », l’exposition propose à des acteurs originaux du graff de prendre leurs marques sur place. Cinq ans après MP2013, le bassin marseillais se gorge d’une programmation culturelle amoureuse qui dynamise le territoire et qui rencontre parfois des démarches nationales comme celle du CMN qui cherche à comprendre ce qui pousse à prendre la parole sur les murs. Au programme au Château d’If: des recherches sur les mots, une installation de Madame, mais aussi des zooms sur les graffitis que vous n’auriez pas relevés au milieu de ce brouhaha scriptural.

 

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Affiche de l'exposition

 

En sortant de là, qu’est ce que je me dis? Je me dis que je suis touchée, de ces gens qui ont spontanément pris la parole. En fait peu importe le discours que l’histoire de l’art a et aura sur le graffiti, j’aime l’expression lire / libre que tout un chacun aura fait jaillir sur les murs. Peu importe le propriétaire du mur : collectivité, mairie, copropriété…l’important est la pensée ou le bon mot qu’il véhicule. Je vous en prie, vous même, prenez vos stylos,vos sprays,vos pochoirs, vos burins, vos stylets, dites que vous êtes passés par là, que vous vous êtes aimés ici, que vous comptez les jours qui nous séparents, criez vos questions, avec ou sans fautes d’orthographes, avec ou sans signature, l’important est d’y mettre ses tripes.

 

Coline Cabouret

 

#Graff
#Sur les murs
#Château d’If
#Tripes

 

Pour en savoir plus sur la programmation de MP2018:
http://www.mp2018.com/presentation/

Pour vous faire prendre l’air:
http://graffitivre.tumblr.com/