Pour la  3e fois, Le Musée des Beaux-Arts de Rouen propose le commissariat participatif, une expérience trop rare en France.  Cette année encore, l’évènement offre la possibilité aux visiteurs de sélectionner des œuvres parmi celles des huit musées de la métropole rouennaise.

 

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Visuel du site http://www.lachambredesvisiteurs.com/ © MBA Rouen

 

Revenons sur la genèse de cette initiative : en 2012, Sylvain Amic, historien de l’art et conservateur en chef du patrimoine prend la direction de trois musées rouennais : les Beaux-arts, le Secq des Tournelles et le musée de la Céramique. Peu de temps après son arrivée, il lance « Le Temps des collections », l’objectif est de répondre à la dichotomie de valorisation entre expositions temporaires et collection permanente, de créer un pont entre les réserves et les salles. Chaque musée répond à sa manière à ces problématiques, aujourd’hui récurrentes et dues, en partie, à la baisse drastique des budgets de la culture et des subventions.

Ainsi, si le Palais des Beaux-Arts de Lille décide de créer son #OpenMuseum, le Musée des Beaux-Arts de Rouen explore une autre option en invitant des personnalités telles que Olivia Pulman, Agnès Jaoui ou Christian Delacroix à réaliser des expositions temporaires, avec la volonté de décadenasser le discours et d’attirer un autre public. Mais très vite une question de légitimité se pose : pourquoi ouvrir et offrir la possibilité d’explorer les réserves à une poignée de célébrités ?

Pour Sylvain Amic, l’accès aux collections est un service public minimum, après tout c’est le public qui finance le musée, l’enrichissement et la conservation des collections. Alors pourquoi toujours déléguer à des experts ce qu’ils ont ou non le droit de voir ?

C’est ainsi que naît, en 2016, la première édition de « La Chambre des visiteurs ». L’idée est de faire choisir au public les œuvres qui sortiront des réserves, initiative que le directeur Sylvain Amic voit comme le « prolongement naturel de la mission de service public » que doit remplir le musée. Un site internet est alors spécialement créée pour l’évènement, servant d’interface aux visiteurs qui souhaitent participer à la sélection. Une borne est aussi disponible dans le hall du musée des Beaux-Arts de Rouen. La première édition récoltera 17 000 votes et permettra la sélection d’une vingtaine d’œuvres parmi 70 tableaux pré-sélectionnés par l’équipe.

 La pré-sélection est bien évidemment un passage obligé effectué par les équipes du musée, le moment pour eux de proposer leurs trouvailles et objets préférés. Les œuvres doivent être montrables en l’état, car bien sûr aucune restauration n’est envisageable l’enjeu étant de réduire les coûts. En outre, les œuvres doivent être rarement sorties des réserves, posséder des clichés haute définition produits par le musée et être, entre elles, de nature variée. D’autant que depuis l’année dernière, « le concept a été élargi à 8 musées de la Réunion des musées métropolitains qui ont chacun proposé une dizaine d’œuvres » parmi lesquels le Muséum d’histoire naturelle, le Musée Industriel de la Corderie de Vallois ou encore la Maison des champs Pierre Corneille.

Un éclectisme que l’on retrouve dans les propositions du site http://www.lachambredesvisiteurs.com/, classées par catégories : Drôles de bêtes, Tête à tête, Bizarre ou Secrets. Les liens entre les différentes sections sont quelques peu difficile à imaginer. À côté d’un Contiga de Cayenne, conservé au Muséum d’Histoire Naturelle, on trouve Les joueuses d’osselet de Paul Hyppolyte Flandrin au Musée des Beaux-Arts, ou encore l’Amulette : Saint-Gorgon en verre émaillé du Musée des Antiquités. Chaque œuvre est accompagnée d’un court cartel explicitant son emploi ou son histoire.

 

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Oeuvres du musée © Musée des Beaux-Arts de Rouen

 

Comment, alors que ces œuvres sont si différentes, va-t-on réussir à créer un discours ? La piste de l’exposition Carambolages de Jean-Hubert Martin au Grand Palais - exposition dans laquelle chaque œuvre induisait la suivante par une association d’idées ou de formes – serait intéressante à creuser. Sinon on peut espérer une muséographie originale posant pourquoi pas, les problématiques de conservation dans les réserves. D’autant que la médiation qui en découlerait pourrait être extrêmement ludique. Cette initiative de Sylvain Amic est donc pleine de promesses et suscite beaucoup d’attentes de la part du public.  Car n’oublions pas que si le public choisit les objets et participe à la mise en œuvre, il viendra voir le résultat !

 

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Visuel du site ©  http://www.lachambredesvisiteurs.com/

 

Récompensée par le Prix Patrimoine et Innovation en 2016, cette initiative est une nouveauté dans le monde des musées en France. Le public, au cœur du musée, est malheureusement trop souvent oublié. L’évènement organisé par le MBA de Rouen le ramène donc à sa juste place, premier pas vers un musée participatif, collaboratif et ouvert. Espérons que très vite, d’autres musées emboîtent le pas, inventant d’autres modes, ouvrant d’autres voies.

En attendant de voir le résultat de cette édition, qui prendra place du 7 décembre 2018 au 19 mai 2019 au Muséum d’Histoire Naturelle de Rouen, on peut découvrir les œuvres choisies sur le site de « La Chambre des visiteurs », prendre part à l’accrochage ou participer à l’écriture des cartels ! Alors à vos plumes !

C.M

#mbarouen

#commissariatparticipatif

#exposition

 

Pour en savoir plus:

Sur « La Chambre des visiteurs » édition 2016, présentation du « Temps des collections » par Sylvain Amic : https://www.youtube.com/watch?v=k_C3SHske10

Sur les saisons précédentes de « La Chambre des visiteurs »  : http://www.lachambredesvisiteurs.com/saisons/#presentation