J’attendais avec impatience l’arrivée de la World Design Capital à Lille, annoncée dès 2017 et prévue pour 2020 et j’ai découvert l’une des expositions en septembre. Cette première sortie culturelle (officielle) depuis le (premier) déconfinement m’a transportée vers bien des émotions.

 

Le Design sur le devant de la scène

 

Avant de vous parler plus en détail de l’exposition, voici quelques informations sur l’événement afin d’en comprendre les enjeux et, pourquoi pas, vous donner envie de  le découvrir par vous-mêmes.
La Capitale Mondiale du Design 2020 est porté par la World Design Organisation (WDO). Fondée en 1957, cette association non-gouvernementale a pour but de promouvoir les designers et ce secteur d’activité à travers le monde.

Ainsi, à travers le titre de World Design Capital, l’organisation récompense tous les deux ans une ville pour l’affiliation du design à sa politique économique sociale et culturelle.

Récemment, c’est la Métropole Européenne de Lille qui a remporté le titre. Après la Capitale Européenne de la culture en 2004, Lille est promue “Capitale Mondiale du Design 2020”. Déposé en mars 2017 auprès de l’Organisation mondiale du design (WDO), Lille dispute la finale avec la ville de Sydney en Australie. Proclamée gagnante le 14 Octobre 2017 à Turin, en Italie, par les membres du jury, Lille est officiellement la première métropole française à décrocher ce titre.

Elle a pu disposer de quelques années pour mettre en place une programmation culturelle autour du Design. Ainsi, depuis cet été, la Métropole a vu fleurir des expositions et événements promouvant les solutions proposées pour améliorer nos modes de vies et, à plus grande échelle, le monde, démontrant ainsi l’impact positif du design dans notre société.

 

La World Design Capital à Lille

 

En 2018, un vaste appel à l’expérimentation par le design est lancé. Collectifs, entreprises, associations, lieux culturels ont pu proposer des objets, des services et idées en collaboration avec des designers ayant pour objectif commun d’améliorer la vie en société. Cet appel à projets a reçu plus de 600 idées. De la modeste ébauche au projet abouti, ils sont organisés en six maisons thématiques dans la Métropole Lilloise : Habiter (Gare Saint Sauveur, Lille), Prendre soin (Maison Folies de Wazemmes), Ville collaborative (à la Madeleine), Economie circulaire (Monastère des Clarisses, Roubaix), Action publique (au Biotope à Lille) et Mobilité (Lille).

 

Une exposition qui affecte nos sentiments

 

Portée par la WAAO – le centre d’architecture et d’urbanisme de Lille, la maison POC sur la thématique Habiter au Bazaar de Saint So a piqué ma curiosité. Pour aborder le thème de la domesticité, Gaston Bachelard, grand penseur de l’espace est cité : “Tout espace vraiment habité porte l’essence de la notion de maison”. Habiter, c’est s’attarder à un endroit, y rester, quand bien même ce serait une courte période, c’est l’expérience que l’on nous invite à vivre au travers de ce qui va nous être présenté.
Fruit d’une collaboration de deux agences d’architecture : Blau et studio Rijsel, la Maison Habiter nous dessine donc un paysage complexe : logements sociaux, espaces publics, mobiliers,  espaces privés sont abordés pour questionner ce qui semble être à la fois un bien commun et un espace profondément lié à l’intime.

 

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L’espace d’exposition étreint par la lumière naturelle © M.D.

 

C’est au son d’une douce musique d’ambiance que les visiteurs sont invités à pénétrer dans l’espace d’exposition pour découvrir une scénographie simple et épurée. Cette réalisation, dont je semble apercevoir  trois parties distinctes, est signé Atelier Smagghe, une agence d’architecture et de scénographie de Lille.
L’espace de coworking et de création du Bazaar de Saint So dans la gare Saint Sauveur est le résultat d’une belle réhabilitation. Cet ancien hangar a conservé ses grands espaces ouverts aux grandes baies vitrées offrant ainsi un lieu baigné de lumière et d’une douce chaleur en ce mois de septembre.
La scénographie ne semble pas induire un parcours particulier échappant à ce fameux « sens de circulation » dont nous sommes désormais coutumiers, les visiteurs sont libres de s’approprier l’espace à leur guise et de pouvoir vivre cette promesse d’ ”habiter les lieux” quelques temps. 
Je me dirige vers une partie qui concerne l’espace domestique,  sous l’angle d’une réflexion socio-artistique sur le fait d’habiter un lieu dans la perspective du confinement. Des textes, des projets photographiques, des maquettes, autant de médiums portent un regard différent sur nos espaces de vies qui sont temporairement pour certains devenus nos espaces de travail. Comme l’a si bien écrit Hortense Soichet dans son texte exposé De l’intérieur, les frontières entre espaces privés et publics se sont, pendant quelques temps, redessiné avec la mise en place du télétravail et de la visioconférence qui s’apparente à “des fenêtres ouvertes sur une diversité d’intérieurs”. Dissimulés ou dévoilés à la caméra, ces lieux de l’intime ont été redécouverts. L’initiative de l’ancienne directrice du WAAO Odile Werner, de porter un regard différent sur son lieu de vie à travers une série d’images amateures, a su mettre en évidence que l’habitat, ce lieu que l’on “habite par habitude”, est avant tout un bien de première nécessité.

 

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Une scénographie et des projets qui invite à s’attarder et habiter les lieux © M.D.

 

Ce questionnement autour de l’habitat évolue doucement vers les espaces publics, lieux également fréquentés et habités. Alice Cabaret, fondatrice de l’agence collaborative de prospective urbaine The Street Society, porte une attention particulière à la démarcation croissante entre habitat et espace public et mène une réflexion sur une revalorisation de l’espace urbain pour “habiter collectivement la ville”. Pour tendre vers une ville domestique, elle propose de revaloriser les seuils de transition qui existent entre la propriété et l’espace public comme les balcons, cours, paliers. Ces micro-espaces à haut potentiel d’habitabilité, qui ont démontré, pendant le confinement, leur caractère convivial dû à la proximité qu’ils engagent, peuvent, pour Alice Cabaret, devenir des “antichambres urbaines” aux fonctions multiples.

Je prends le temps d’assimiler ce que je viens de lire, heureuse de voir que malgré ces temps incertains, des artistes ne perdent pas espoir en un avenir meilleur et continue ma visite. 
Présenté à la manière des Whites Cubes, les 61 POC sont réunis au centre du grand hangar réhabilité. POC étant l’acronyme anglais de Proof of Concept, ce sont des idées, encore à l’état de concept qui sont exposés. A l’image des graines que l’on plante pour qu'elles germent, ces POC, exposés ici, me laissent pensive quant à un avenir plus radieux de nos villes, et m'offrent la possibilité d'imaginer la façon dont on les habitera. Du design résidentiel aux éco-quartiers solidaires, les concepts sont variés offrant un aperçu de ce vers quoi nous tendons en termes d’habitat et de vivre ensemble. 

 

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Une scénographie signé Atelier Smagghe pour la Maison POC Habiter © M.D.

 

La scénographie me mène tout naturellement vers la dernière partie de l’exposition. De grands panneaux de bois suspendus par des sangles à cliquet à la structure de l’édifice et maintenu au sol par des poids, nous présentent d’autres POC qui ont été menés à bien. 
Un projet retient mon attention : les Maison Design pour Tous, ainsi qu’un nom : Matali Crasset, la très célèbre Designer.  A la manière de Jean Prouvé, Matali Crasset tente de réaliser, à travers ce projet de maison en série, « de concilier l’habitabilité, dans un produit industrialisable, avec la prise en compte des besoins futurs des habitants ». Et je lis que c’est Boulevard André Cambray à Wattrelos que le fruit de ce travail entre la designer et le groupe Vilogia va bientôt prendre vie.
Du mobilier urbain en béton réalisé par impression robotisée à la revalorisation d’habitat ouvrier, les projets innovants sont nombreux à venir dans la Capitale Mondiale du Design.

 

Une heureuse expérience de visite

 

Avec du recul, le contexte actuel a fortement joué sur mon expérience de visite et sur ce que j’en retiens. Et ce n’est pas forcément une mauvaise chose, toute visite est différente et celle-ci a su me rappeler mon appétence pour le design et mon besoin de vivre avec passion et sensibilité.

 

M.D.

 

#Design

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#World Design Capital

 

Bibliographie/ webographie

Communiqué de presse de la ministre de la Culture, 23 Octobre 2017, Paris

https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Design-mode/Actualites-design/Lille-Capitale-Mondiale-du-Design-en-2020

 

Site de la Word Design Organisation

https://wdo.org/programmes/wdc/

 

Moniez Laurie, « Lille Métropole, Capitale Mondiale du Design pour 2020 », 14 Octobre 2017, LeMonde.fr

https://www.lemonde.fr/economie/article/2017/10/14/lille-metropole-capitale-mondiale-du-design-pour-2020_5201053_3234.html

 

Site Design is capital.com

-sur les POC

https://www.designiscapital.com/les-poc

-Le projet 

https://www.designiscapital.com/projet

-Maison POC Habiter

https://www.designiscapital.com/maisons-poc/habiter

 

Site WAAO -Centre d’architecture et d’urbanisme, sur la maison POC Habiter

http://waao.fr/maisonpochabiter/