Aujourd’hui, nous allons parler du centre d’interprétation de Culloden ! ... Comment ça vous ne connaissez pas ? Et si je vous dis « Outlander » ? Ah déjà, c’est plus parlant. Commençons donc par là. Outlander est une série américaine, adaptation des romans Le Chardon et le Tartan. L’intrigue prend place dans les Highlands de 1743, en proie au conflit entre le gouvernement britannique et les Jacobites, rebelles écossais des Highlands. Le dénouement ultime de cette confrontation aura lieu sur le champ de bataille de Culloden, le 16 avril 1746…

S’il s’agit d’une œuvre de fiction, le centre d’interprétation présente lui des personnages et objets bien réels, et propose une expérience immersive et émotionnelle de cet évènement historique, qui changea la face de l’Ecosse.

 

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 Jamie Fraser de la série Outlander. Crédit : Outlander © 2017 Starz Entertainment, LLC

 

En route vers Culloden

Plantons le décor. L’Ecosse et l’Angleterre sont deux Etats distincts, or en 1603, Jacques VI Stuart, roi d’Ecosse, hérite du trône d’Angleterre et prend le nom de Jacques Ier d’Angleterre. Les deux couronnes sont alors réunies sous un seul monarque. En 1689, Jacques II d’Angleterre, petit-fils de Jacques Ier, est destitué du trône par les Anglais, qui craignent un retour à une monarchie catholique. Des révoltes surviennent alors, orchestrées par les Jacobites, qui veulent restaurer la lignée Stuart sur le trône. Ce mouvement politique est porté en majeure partie par des clans écossais highlanders, mais aussi par des lowlanders, des anglais, des irlandais et des français. C’est en 1745 que tout s’accélère. Le prétendant au trône, Charles Edouard Stuart, se rend en Ecosse pour soulever une armée avec le soutien des Jacobites, afin de reprendre la couronne. Après des débuts victorieux, notamment la prise d’Edimbourg, Charles Stuart s’apprête à marcher sur Londres, quand ses conseillers l’en dissuadent. Les forces du Prince se retirent alors dans les Highlands, poursuivies par le Duc de Cumberland, fils du roi George II, décidé à en finir avec la rébellion jacobite. Rattrapés par les forces britanniques à Culloden, en avril 1746, les Jacobites n’ont d’autre choix que de se battre. Epuisés, dépassés par le nombre de combattants, ils tiendront une heure sur le champ de bataille, avant d’être mis en déroute par l’armée du Duc. On compte plus de 1000 morts du côté des Jacobites, pour quelques 300 dans l’armée britannique. Charles Stuart s’enfuit et retourna en France, tandis que les highlanders subirent une répression sanglante durant plusieurs mois, qui forgea la réputation de « Boucher » du Duc de Cumberland. Des troupes du gouvernement furent stationnées dans les highlands pour un contrôle permanent des populations. La conséquence la plus importante de cet échec fut l’abolition du système de clans et leur désarmement, ainsi que l’interdiction du port du kilt et du tartan, symboles des clans, et même de la cornemuse, pendant près de 50 ans.

 

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Pierre tombale au nom du clan Fraser. Crédit : Diane Nicholson @Outlanderpastlives

 

Entre émotion et immersion

Le centre d’interprétation de Culloden est situé à l’endroit même où la bataille a eu lieu, il y a plus de 250 ans. The National Trust of Scotland a permis la conservation du site, et il est possible de visiter le champ de bataille, battu par les vents et parsemé de pierres tombales du nom des clans highlanders tombés. Le site a été enrichi en 2005 d’un centre des visiteurs présentant l’histoire du conflit, la bataille en elle-même et ses répercussions. Le tout est richement illustré par des recherches archéologiques et des objets, témoins des évènements advenus ce jour-là, et également par des outils de médiations savamment pensés pour susciter l’émotion.
L’exposition met un point d’honneur a présenté les deux camps, et leurs protagonistes, dans un parcours linéaire chronologique, qui place le gouvernement britannique à gauche, les Jacobites à droite, et le visiteur au centre, tel le juge chargé de départager chaque partie. Les couloirs retraçant l’historique des hostilités, semblent se resserrer comme un étau, à mesure que la pression monte, et que le moment fatidique de la bataille arrive. Les visiteurs sont alors invités à pénétrer dans une salle, d’où ils pourront assister à une reconstitution de la bataille, projetés aux quatre coins de la pièce pour une expérience immersive à 360°. Chaque camp se fait face et semble prêt à bondir d’un moment à l’autre. Quant à la bataille en elle-même… Difficile d’en ressortir indemne, confronté à une telle violence et un tel chaos. Au sortir de la salle, les réactions sont diverses entre horreur, tristesse et injustice.

 

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Reconstitution de la bataille du Culloden. Crédit : Culloden Visitor Centre

 

Maintenant il s’agit de comprendre les spécificités de la bataille, et des médiateurs affublés de tenues d’époque, anglaises ou écossaises, viennent chercher les visiteurs pour des petites mises en scène « Living History » auxquelles ils sont invités à participer. Cela permet d’introduire la dernière grande salle, qui présente les armes et tenues des combattants, et des objets récupérés sur le champ de bataille. Des armes factices sont disponibles à la manipulation, et permettent de se rendre compte du poids et de la taille imposante de ces outils, que semblent maniés si aisément les soldats. Avec de la chance, il est même possible de voir un médiateur faire une démonstration.

 

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Démonstration de l'utilisation d'un mousquet. Crédit : Culloden Visitor Centre

 

L’œil est également vite attiré par un grand écran disposé au sol et illustrant le champ de bataille sur une carte détaillée. L’outil est bien conçu et apporte une étonnante précision sur la position des armées et des clans avant et pendant la bataille. Une information déterminante saute alors aux yeux des visiteurs ; les lignes des deux camps ne sont pas parallèles. Ce « détail » est en réalité une des causes pour lesquelles les Jacobites furent mis en échec si facilement et rapidement. Tandis que le côté droit atteignait les troupes anglaises, le côté gauche était encore loin et les anglais défirent petit à petit les troupes adverses, au fur et à mesure de leur arrivée. La carte illustre cette spécificité grâce à une animation des armées, rendant compte du déroulement de la bataille et des pertes. La visite s’achève par un bref historique du devenir des principaux protagonistes : Charles Edouard Stuart, exilé et le Duc de Cumberland, disgracié, ainsi que les répercussions de cette bataille sur l’Ecosse, jusqu’à aujourd’hui.

 

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Carte animée de la bataille de Culloden. Crédit : Culloden Visitor Centre

 

Le centre d’interprétation de Culloden, bien qu’ayant un objectif d’information et un devoir d’objectivité dans le traitement de faits historiques, semble aussi être un lieu de mémoire collective. Le site accueille en effet des milliers de pèlerins chaque année, venant se recueillir sur les pierres de leurs ancêtres. Si ce n’est pas le propos de l’exposition que de défendre les intérêts jacobites et écossais plus largement, c’est naturellement qu’une sympathie, voire une empathie, envers eux se crée. Quant à savoir si les concepteurs ont subtilement installé ces émotions chez le visiteur au fil de la visite, ou si c’est réellement ce dernier qui se fait son propre ressenti, la question est ouverte…

 

Laurie Crozet

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